'T'es pas cap de bouger tes fesses de ton lit et de venir faire la fête avec moi, paillasse.' Une voix surexcitée, un pas vif et une porte claquée dans l'empressement. Aucun doute, il s'agissait bien de ma colocataire et accessoirement meilleure amie. Je n'avais pas besoin de le vérifier, ni même de lui jeter un seul regard, j'avais plutôt préféré plonger ma tête un peu plus fort dans mon oreiller. Le jeu du cap ou du pas cap, cela faisait des années qu'on s'y prêtait, pour se marrer et aussi pour mettre un peu de piment dans nos vies d'étudiantes. Et à chaque fois qu'on se lançait des défis, l'autre faisait n'importe quoi pour le réaliser. Vraiment n'importe quoi. Je m'étais d'ailleurs déjà retrouvée en sous-vêtement dansant la macarena dans une fontaine. Quand je vous disais que j'étais capable de tout. C'était fou comme des personnes censées et raisonnables pouvaient se mettre à faire du n'importe quoi une fois qu'on leur lançait un défi. Sauf que ce soir, le défi, je l'aurais laissé filer sans même m'en soucier, tellement la fatigue m'avait envahie. Je n'avais qu'une envie: plonger dans les bras de Morphée et cela aurait déjà été fait si ma meilleure amie n'était pas entrée dans la pièce. 'Pas ce soir, bella.' J'avais un peu ronchonné, cachant ma tête sous mon oreiller. Cela faisait 24 heures que je n'avais plus dormi. Etant interne dans un service d'urgence, j'imaginais que c'était le prix à payer afin de réussir brillamment mes études. Je ne m'en plaignais donc jamais. Mon métier me passionnait vraiment même si il était fort prenant et que j'avais une vie sociale qui était presque réduite à néant. 'De toute façon, je le savais bien que tu allais me répondre ça. Ma meilleure amie n'existe plus depuis des mois!' Là, elle venait de toucher une corde sensible et elle le savait. Plus que quiconque, elle arrivait toujours à trouver les mots pour me toucher et me faire réagir. J'avais donc soupiré avant de me retourner et de lui lancer mon oreiller sur la tête. 'File t'apprêter, sinon je pars sans toi' Un sourire ravi s'était dessiné sur ses lèvres. Je m'étais étirée et avec regret j'avais quitté mon pyjama pour une jolie robe noire, mettant mes formes en valeur.

La soirée battait son plein. Ma meilleure amie avait eu raison de me forcer à bouger. Maintenant que j'étais dans le mouvement, je ne sentais plus la fatigue. On avait déjà enchaîné quelques bars et tout autant de verres de mojito, mon cocktail préféré. Je savais que je n'aurais jamais du boire autant, moi qui supportait si difficilement l'alcool. Je me retrouvais donc dans un état assez pitoyable. Joyeuse à souhait, j'avais chanté à tue-tête dans la rue qui nous séparait de notre prochaine destination: un bar dansant où on avait cette habitude de finir nos soirées, voire nos nuits. La musique résonnait déjà dans mes oreilles et on s'était de suite dirigées vers la piste de danse. Alors que je me déhanchais déjà un peu n'importe comment, je sentis un coup de coude sur mon bras. 'Regarde qui est là' J'avais suivi son regard et avais remarqué un de nos professeurs. La trentaine, c'était l'homme inaccessible du campus. Celui qui faisait tourner les têtes de pas mal de ses étudiantes. Il ne semblait d'ailleurs pas trop s'en préoccuper ce qui avait amené certains à lancer une rumeur le disant homosexuel. En cet instant, il était accoudé au comptoir, une bière devant lui. Il semblait seul. 'Pas cap d'aller lui offrir un autre verre' Ma meilleure amie m'avait observée avec un regard plein de défi. Elle me pensait réellement incapable d'accoster un de nos professeurs en dehors de nos cours. Et après tout, elle n'avait pas tort. Sauf que ce soir, l'alcool coulait dans mes veines en bien trop grande quantité que pour que je sache encore discerner le bien du mal. L'alcool avait inhibé en moi toute notion de pudeur ou de timidité. Je n'étais plus l'étudiante sage et modèle. J'étais une jeune femme, simplement. 'Toi, tu n'as encore rien vu' J'avais lancé un clin d'oeil complice à ma meilleure amie avant de me faufiler entre les personnes, direction le bar. J'avais fini par arriver à ses côtés, un peu sur la gauche. Je savais à présent que j'étais dans son champ de vision. 'Bonsoir. Je peux m'asseoir à vos côtés?' Un sourire s'était dessiné sur mes lèvres. Je n'avais pourtant aucune idée de la manière dont il allait réagir. Ni même si il allait me reconnaître. Vu le nombre d'étudiantes qu'il avait et vu ma discrétion habituelle, il y avait quand même peu de chance. J'attendais donc patiemment sa réponse, posant mes prunelles brunes foncées dans les siennes.