Well... It's my story !
   and as charming as sad as it is, plays !
   it does not begin with once upon a time

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J'aimerais ne pas avoir à parler de ma vie, parce que que ça me plaise ou non il n'y a rien de passionnant à en dire : je vis au Presbyterian depuis que je suis petite. Assez petite pour ne même plus savoir à quoi ressemble ma maison en fait. Pour ne plus avoir d'amis, ne pas avoir de petit copain et même n'en avoir jamais eu, et connaitre sur le bout des doigts les tours de garde et les histoires des chirurgiens - ainsi que des internes, infirmières, même parfois des divorces et scandales remuant les familles des autres patients. Les meilleurs ragots sont probablement les histoires de coeur finalement. D'ailleurs c'est bien le mien qui pose problème, de cœur. Mes reins aussi. Et mon foie. Mes os ... Enfin tout. Il semblerait qu'aucune maladie connue à ce jour n'explique vraiment ce qui m'arrive ou pourquoi mon corps se met à déconner, sans raison et de manière complètement aléatoire ; alors ils ne cherchent plus à comprendre. Je fonctionne ainsi depuis toujours : quand une partie de mon corps fait n'importe quoi ils me réparent, et me surveillent en attendant la prochaine catastrophe que je vais leur préparer. Je vis dans une chambre aménagée et on avise au jour le jour suivant les symptômes qui se présentent. Ma mère prétend que Dieu a décidé de punir mon père de ses nombreux adultères de cette façon et que je mourrai avant d'avoir des enfants. Mais en fait c'est elle que cette idée arrange. Les médecins essaient de me rassurer en me promettant qu'ils veillent sur moi et que je n'ai rien à craindre, mais au fond de moi je sais qu'elle a raison et que le jour où je mettrai au monde un bébé mon corps trouvera un moyen de me faire mourir ne serait-ce que pour me punir de cet effort. La question est de toute façon réglée : même si déjà adolescente il était clair que je voulais connaitre ce rôle de maman, je n'aurai jamais la chance de connaitre quelqu'un qui veuille faire d'un enfant avec une pauvre fille condamnée à ne plus voir la lumière du jour qu'à travers la fenêtre d'une chambre d’hôpital. Faudrait être maso non ? Je veux dire ... Vous connaissez un seul garçon sur cette planète qui accepterait d'avoir une petite amie avec qui il ne va jamais au cinéma, avec qui il ne peut pas aller manger une glace, aller se baigner l'été et patiner quand ils installent le marché de Noël ? Alors en trouver un qui envisage d'avoir un enfant avec une fille qui a une chance sur mille de tenir le coup quand elle accouchera va être difficile. Voir impossible, si vous écoutez mes parents.

J'ai passé mon enfance ici. Mon adolescence. Je commence ma vie d'adulte aussi mal que j'ai commencé ma vie, quelque part entre la vie et la mort, coincée dans une sorte d'équilibre instable que personne ne peut ni expliquer ni guérir - pas même un essai clinique à dix sept millions de dollars. Tout le monde dit que je suis pleine de vie, drôle, pétillante, mais il y a des jours comme aujourd'hui où je me sens juste malade et déprimée, et où j'ai besoin de noircir les pages d'un journal dont personne ne soupçonne l'existence pour pouvoir ensuite reprendre un nouveau souffle ; vingt trois ans, c'est trop jeune pour arrêter de se battre. Trop jeune pour arrêter de vivre. Et j'ai bien plus peur de mourir que ce que je montre en réalité. Je ne veux pas mourir. Je ne veux plus être malade. Je veux avoir le droit d'être normale ...
Secrètement, je me suis promise que j'aurai un diplôme avant d'avoir trente ans. Des études par correspondance, que je vais entamer dès que je saurai dans quoi j'ai envie de me lancer - et surtout ce qu'il m'est possible de faire. Je serai maman aussi. Au moins un petit bébé ; si mon corps tient bon, j'en aurai deux. J'ai toujours voulu d'une petite fille et d'un petit garçon. C'est de penser à eux qui me permet de tenir bon d'ailleurs. Ces petits êtres qui n'existent pas encore. A qui je n'ai encore trouvé ni prénom, ni géniteur. Mais qui vont transformer ma vie autant que je vais tenter de sublimer les leurs. Traitez-moi de folle si c'est ce que vous pensez, mais penser à eux me remplit d'espoir et la suite semble plus facile quand on a de belles raisons de continuer.

Moi Aslinn, vingt trois ans, séquestrée dans un corps faible et fragile, je me suis juré que même si je pouvais mourir à n'importe quelle seconde j'arriverais quand même à faire de belles choses de ma vie. Et cette résolution commence aujourd'hui.