un vieux topic que j'ai écrit voilà bien un ans; la plupart de mes sites de rp sont en anglais. :/

Le bureau du professeur Michaels était jonché de copies d’examen parsemées d’encre rouge et de feuilles jaunies par le soleil (la seule fenêtre du local éclairait le meuble tel un Saint Objet). Une multitude de souvenirs ramenés aux quatre coins du monde, trônaient fièrement sur les rares endroits inoccupés de la surface vernie. Les libres s’empilaient, presque aussi vieux que leur propriétaire, sur les abords du bureau, le faisant courber sous le poids. Le bureau était si vieux que, par endroit, le verni s’était désagrégé, laissant la vraie couleur du bois paraître. Quoi qu’il en fût, ce meuble étrange faisait partie du décor et on devait reconnaître que Professeur Michaels avait bon goût. Les murs du local étaient peinturés d’un beige laiteux, couleur aspirant au calme et à la détente. Il était certain que la pièce n’avait pas toujours servi pour les sciences. Philosophie, peut-être. Enfin, pour en revenir à l’objet-clé de la pièce... La légende voulait que Mr Michaels ne l’ait jamais vraiment nettoyé de fond en comble, et que certains documents dataient du début de sa carrière d’enseignant. Pour ses collègues, la classe de biologie ressemblait plus à une chambre d’universitaire mal organisée qu’un bureau d’enseignant, mais l’opinion des autres lui importait peu. Bernie Michaels semblait vivre dans un monde à part, et c’est pour cela qu’on avait l’impression d’être enseigné par un extra-terrestre. Direct, cynique, un poil misogyne (mais ça, Jack le savait, c’était parce que sa femme l’avait quitté pour un autre, quelques vingt ans plus tôt. Le pauvre ne s’en était jamais vraiment remis, et son estime pour les femmes en avait pris un sale coup.), il avait le profil parfait pour un enseignant de cet âge-là.

Pour un élève en pleine réflexion sur ses projets d’après-midi, le bureau du professeur Michaels n’était qu’un meuble sans importance, mais pour Jack, c’était une mine d’or pour son esprit vagabond.

Étant dans le fond de la classe à cause de son nom de famille, Jack n’avait jamais vraiment pu approfondir ses observations du vieil espace de travail. Mais il était assez près pour remarquer les vieux papiers si fragiles qu’un rayon de soleil les eût transpercés. Il était impossible de lire leur contenu, en partie parce que le jeune homme était trop loin, mais aussi parce que l’encre s’était effacée avec les années. Cette situation laissait carte blanche à l’imagination de Jack, qui créait des scènes à partir des vieux documents.

L’une doit être celle que lui a écrite sa femme avant de le quitter, pensa-t-il, quelque peu triste, s’imaginant la note sur une table des années cinquante. La vaisselle faite, le couvert mis, le repas mijotant doucement sur le feu... Mrs Michaels avait laissé son mari, c’est vrai, mais laissé crever de faim, jamais. Il voyait, des yeux de son professeur, la lettre écrite d’une calligraphie ronde et parfaite; il sentait, avec mélancolie, l’odeur enivrante de sa femme, lui rappelant les plus beaux jours, les jours d’avant, les jours...

Enfin, passons. Ouais, passons. La voix, par moments criarde et cinglante de Mr Michaels emplit la salle de classe en un crescendo aigu. Jack soupira, espérant que le supplice s’arrête, que Bernie Michaels se taise...

«Et rappelez-vous que l’examen portera sur les notions de la Cellule et du Vivant—»

La litanie du vieil homme agri par les années fut interrompu par le son strident de la cloche. Jack ne se fit pas prier; il récupéra ses livres, éparpillés un peu partout sur son pupitre, et s’élança vers la sortie, tel un cerf bondissant vers la plaine. Il descendit les majestueux escaliers du hall d’entrée, évitant tout contact avec les autres élèves, comme sa fluidité de cerf le lui permettait. Le jeune homme, arrivé à son casier, entreprit de déverrouiller son cadenas, ne tenant plus en place. Il fourra ses effets de biologie sur une étagère et, les sourcils froncés, se rendit compte que sa lecture du moment, Les Raisins de la Colère par John Stenbeick, ne se trouvait pas là où il l’avait laissé. Quoi?! Mais... Merde. Je l’ai oublié au jardin. Ça ne l’inquiétait pas plus que ça; il n’avait pas plu, et peu de gens y avait sûrement été entre l’heure du dîner et la fin des classes.

Soulagé (Jack accordait une grande importance à ses livres, plus particulièrement ceux de la bibliothèque), le jeune cerf se dirigea vers les portes arrière, là où le jardin était. De loin, il pouvait apercevoir les clôtures blanches envahies de plantes grimpantes, les arbres l’entourant tels des gardes veillant à sa sûreté, la silhouette d’une personne assise sur un banc...

Non! Merde, merde, merde, pensa Jack, sentant la panique monter en lui comme du feu. Sa gorge le brûlait, ses mains en devinrent tremblantes, ses cheveux dressèrent sur sa nuque. Néanmoins, le jeune homme continua à avancer. Parce qu’il voulait trouver son livre, parce qu’il avait besoin de lire, parce que...

«Euh... Bonjour,» réussit-il à articuler, ignorant les battements de cœur sonores de son cœur. Mon dieu, qu’il était timide.

Je peux le faire. Peut-être.

écrire ici.