Pour Cassandra, il était bien complexe de se souvenir de la dernière fois où une personne lui avait fait connaître ce sentiment : cette impression d'être un simple pantin, un pantin sans cervelle qui plus est. Cette impression lié à un puissant sentiment de trahison. Elle avait envie de disparaître sous terre chaque fois qu'elle pensait à une confession, même légère, qu'elle avait adressée à Evan Halliwax. Même des confessions tout bête dont il riait en les qualifiant de « touchantes ». Car maintenant qu'elle avait connaissance du défi qu'il s'était fixé, le rire qu'il avait alors pu avoir se transformait en rire moqueur. Après de nombreux efforts pour qu'il reste loin d'elle, elle l'avait finalement laissé entrer dans sa vie. Et cette idée l'écœurait littéralement, elle avait laissé entrer une personne dans son cœur, et une personne indigne de cette place. Juste un mec... absolument dégueulasse ! Le coup qui lui était porté était d'autant plus difficile à encaisser du fait qu'elle se soit toujours préservée avec grand soin de ce genre d'attaques mêmes. La dernière fois qu'elle avait ressenti quelque chose de similaire, peut-être était-ce l'année de ses onze ans.

Et tous ces sentiments mêlés avaient créés chez elle une intense colère, une intense colère qu'elle pouvait sentir en train de l'envahir... et au-delà de laquelle elle ne voulait pas raisonner. Elle ne voulait pas, ni n'avait le réflexe de détailler ce qu'elle pouvait ressentir ni aucun autre réflexe ayant pu la conduire à s'apitoyer sur son sort. Et si ses yeux se mettaient à briller tandis qu'elle pouvait sentir les larmes monter, elle savait très bien que ce n'était dû à aucune sorte de tristesse. Mais plutôt à cette même colère. Tout comme elle s'en tenait à l'idée, intrinsèquement liée à sa colère, que Evan Halliwax n'était qu'un salop de la pire espèce et qu'il méritait de payer pour l'insulte qu'il lui avait faite en la traitant comme il l'avait fait, comme un vulgaire objet qu'on n'utilise que pour mieux jeter. Elle n'était pas comme ça et elle ne méritait certainement pas qu'on la traite comme ça. C'était une mentalité qu'elle tenait en horreur, tout simplement.

Ainsi, dès qu'elle eut appris les mauvaises intentions d'Evan à son sujet, son premier réflexe fut de tourner le dos à la personne qui l'avait informée du fameux « jeu » dont elle ignorait toutes les règles puisque, pour cause, elle en était la souris. Et elle arpenta vivement les couloirs sans hésiter à se frayer un passage, parfois à l'aide de coups d'épaule, entre les nombreux étudiants réunis à l'heure de pause.

Et dès qu'elle eut aperçu Evan devant son casier, elle referma celui-ci violemment sans faire attention un seul instant à la conséquence que ce geste aurait pu avoir sur les pauvres doigts du jeune homme. Mais il avait heureusement des réflexes. Dire qu'elle l'avait présagé et qu'elle avait compté sur ses réflexes ? Ce serait mentir. Car Cassandra était en colère, réellement... et quand elle se trouvait en pareil état, elle ne pensait qu'à celui qui osait lui causer ce mal. En l'occurrence, l'heureux élu était Evan... mais tout le monde aurait pu en convenir : il l'avait bien cherchée !

Et tout le monde savait qu'il ne fallait pas la chercher. Ce fut pourquoi, si toutes les têtes ne s'étaient pas tournées dans sa direction en entendant la porte du casier claquer violemment, tous les regards furent définitivement sur eux lorsqu'elle commença à s'exprimer, sans se soucier d'employer un ton doux pour sauver les apparences. Les apparences ! Voilà bien une notion à laquelle elle n'entendait rien. C'était une chose qu'on ne lui avait jamais appris à faire ni qu'elle n'avait appris par elle-même. Elle avait quelque chose à dire, elle le disait ! Elle voulait le dire en criant, elle ne se retenait pas ! Et honnêtement, les quelques rires qui ressortissaient de l'assemblée réunie autour d'Evan et elle ne la gênaient absolument pas. Les gens la trouvaient folle ? A leur guise, elle les trouvait tous fous... fous de se satisfaire de ce genre de scènes qui était une scène douloureuse au fond pour elle. Tout comme Evan était fou de faire souffrir les autres pour son propre plaisir ! Tous étaient fous de banaliser à ce point la souffrance, les sentiments. Bien sûr, le propre comportement de Cassandra n'était jamais des plus agréables et elle envoyait promener ceux qui l'approchaient sans ménagement, tout comme elle pouvait parfois foutre une droite. Mais jamais elle ne se serait permis de jouer avec les sentiments... ou même d'être spectatrice de ce jeu ! Tout cela était écœurant et c'était bien cela qu'elle s'efforçait depuis quelques minutes à enfoncer dans le crâne d'Evan. Et elle poursuivait. Elle poursuivrait tant qu'elle ne serait pas calmée, c'était ainsi qu'elle fonctionnait...

« T'es vraiment qu'un gamin ! La dernière fois que j'ai vu ça... c'était au collège ! Et encore les collégiens ont pour excuse d'être des puceaux désirant se rassurer sur leurs compétences sexuelles ! Remarque, en omettant le côté pucellage sur lequel je n'ai aucun doute... t'es peut-être concerné par le côté complexé ! Je comprends pas que ça puisse te rendre fier ! Ce genre de comportement est tout juste haïssable ! Mais ouvre les yeux putain, ça te conduira nul part ailleurs qu'à être une espèce de pervers seul et pathétique plus tard ! T'auras juste de piteux souvenirs en tête, mais tant mieux ! Je te souhaite tellement de crever avec ! Gros con ! T'es juste qu'un gros con Evan ! Je... j'ai...Jag skulle gärna slå ihjäl dig [*J'aurais envie de te tuer] ! »

Quand elle revenait à sa langue maternelle, c'était mauvais signe. Et évidemment, ça n'eut que pour effet d'amuser un peu plus l'assemblée réunie. Elle le regardait avec un réel dégoût tandis qu'il semblait sourd à tout ce qu'elle pouvait lui dire et c'était atroce. Quelque chose dans son comportement n'avait cesse de l'énerver toujours plus. Peut-être ce sentiment d'injustice qu'elle avait et que personne ne semblait entendre ! Non évidemment... elle était juste folle ! Mais le seul contre qui elle en avait, c'était Evan... il l'énervait encore d'avantage depuis qu'elle déversait sa colère. Parce qu'il ne semblait pas entendre cette colère, alors elle était toujours plus coléreuse. Colère ou tristesse, appelez cela comme vous voulez. Ce sont deux sentiments bien souvent liés, et cela est particulièrement vrai chez la jeune fille. Elle avait juste envie de lui coller une droite pour lui arracher ce satané sourire ! Pour qu'il... réalise ! Mais d'un autre côté, cette foule aussi commençait à l'agacer et à lui donner un sacré mal de tête et l'idée de leur donner satisfaction en leur offrant de la violance, ça la tuait tout autant ! Putain d'amerloques de merde ! En attendant, elle avait une main portée sur son front, ne disant plus rien et tentant de faire une seconde le vide dans une tentative qu'elle savait vaine...

Cassandra préférait encore quand il s'enfermait dans un mutisme. Là, il s'amusait à attiser sa colère... et c'était un jeu dans lequel elle sautait toujours à pieds joints. Pourquoi pas ? Ceux qui osaient la pousser hors de ses limites finissaient irrémédiablement par y perdre une once d'intégrité physique. En l'entendant lui répondre, elle réalisait à quel point ils appartenaient à deux mondes différents ! Elle devait au moins lui reconnaître ses talents de menteur car elle avait fini par être persuadée qu'il était capable de la comprendre. C'était une affreuse déception. Il ne semblait raisonner que par ses conquêtes... mais à quoi bon ? Elle trouvait ça tellement inutile ! Elle ne percevait pas l'utilité de ne se satisfaire que de relations vides de tout sens. Coucher avec une fille pour mieux coucher avec une autre ensuite ? C'était insensé ! C'était une collection qui ne rimait à rien. Et en ce sens, qui ne menait nulle part... c'est ce qu'elle avait voulu dire. Comment ce type entrevoyait-il donc son avenir ? Sûrement en étant plus tard entouré de putes de luxe. Ce que ça pouvait la dégoûter de s'être laissée séduire par un garçon aussi immonde. Mais il énonçait lui-même à quel point sa vie était des plus vides : ce qu'il avouait, c'était que sa vie rimait à prendre son pied ! Quel exploit... et quelle horreur aussi ! Elle savait bien que la majorité des personnes ici raisonnaient comme lui. Et c'était bien pour cela qu'elle se sentait si peu à sa place aussi...

Ce qu'elle n'aima pas du tout, c'est qu'il la qualifie de fille « naïve ». Jusque là, elle ne s'était jamais faite avoir et avait toujours été la première à critiquer ces filles-là. D'ailleurs, elle avait mis énormément de temps à faire confiance à Evan... et le fait qu'il rejette la faute sur elle, en accusant sa naïveté, ça la rendait folle ! Sûrement au fond, parce qu'elle s'en voulait d'avoir en effet eu le rôle de cette jeune fille croyant non pas en l'amour, mais à la sincérité d'une relation. Le comportement qu'il adoptait en cet instant était juste écœurant... on pouvait dire sans euphémisme que son masque était tombé ! Le pire quand elle le regardait, c'est qu'elle avait vu qu'il était capable de faire semblant d'être un garçon bien. Il savait le faire. Alors pourquoi ne le faisait-il pas ? Quelque chose lui échappait vraiment chez les autres ! Naïve, bête...

Mais le pire, il partait dans ses délires ! Ce n'était certainement pas son côté bad boy qui l'avait séduit... Ce qu'il cherchait, c'était juste à amuser la galerie, à poursuivre le spectacle ! Dieu qu'il était con !

« Amerloque de merde ! Le plus affligeant c'est de constater que t'es le premier à réaliser à quel point ta vie est plate, et que ça te convient ! Baiser et faire rire les gens au moins aussi attardés que toi ! Mais va-y ! Profite donc de cette espèce de 'popularité' débile ! Si la seule fierté de ta vie, c'est d'être le roi des cons au pays des cons... t'es peut-être suffisamment déjà puni en fait ! »

Néanmoins, elle était encore en colère... il l'avait insulté en faisant d'elle sa proie, et plutôt que de s'excuser, il s'était enfoncé en l'insultant encore plus avec ses « ma belle, naïve, pas assez intelligente »... Et ce fut automatique dès qu'elle releva les yeux vers lui, elle lui enfonça son poing en plein dans l'œil dans un coup précis qu'elle maîtrisait plutôt bien... et avec une rapidité à la hauteur de sa colère ! Autant dire, rien qui ne fasse du bien !

« Mais ne t'avise plus de me traiter comme quelqu'un qui t'es inférieur espèce de sale petit merdeux ! »

Cassandra et la violence... une terrible habitude ! Depuis petite, c'était ainsi, quand elle allait mal. Plutôt que de pleurer, elle tapait ! Quand à la petite école, elle endossait une contrariété, elle donnait un coup de pied dans un arbre quitte à se bousiller le pied. Ou bien quand elle n'arrivait pas à apprendre une leçon, elle frappait du poing sur la table. Ça avait toujours été dans son tempérament et en grandissant, c'était naturellement qu'elle s'était orientée vers la boxe. C'était bien le seul sport, parmi tous ceux auxquels elle s'essayait, qu'elle n'abandonnerait jamais. C'était presque un besoin vital chez elle.

Et quand une personne ne semblait pas comprendre sa détresse, quand chaque mot ne semblait pas avoir assez de force pour ouvrir les yeux à son interlocuteur, elle finissait par s'exprimer à travers un coup. C'était sa façon à elle de se faire prendre au sérieux avec les garçons et cela, depuis longtemps. Son moyen à elle de dire qu'elle était loin d'être une blonde écervelée sans défense qu'on pouvait mettre à sa guise dans son lit. Depuis le collège, c'était souvent l'étiquette que les garçons trouvaient bon de lui coller sur le front. Et en général, une bonne droite était le moyen le plus efficace de leur remettre les idées en place, et parallèlement, de les conduire à la laisser en paix.

Elle avait déjà dans l'idée de s'approcher à nouveau d'Evan, désireuse de ne pas le lâcher tant qu'il ne lui dirait pas, en la regardant dans les yeux, qu'il l'avait comprise. Faute d'avoir l'espoir d'entendre des excuses, elle ne serait pas 'satisfaite' avant de constater par elle-même qu'il comprenait ce qu'elle s'évertuait à lui expliquer depuis quelques minutes.

Fait innatendu, elle fut coupée dans son élan par un garçon, plus imposant qu'elle. Mais Kristian ne sut retenir réellement son attention que lorsqu'il s'exprima dans sa langue natale. La dernière fois qu'elle avait entendu du Suédois, autrement que par le biais d'un téléphone, cela remontait aux dernières vacances d'été. Et elle était presque surprise de retrouver sa langue maternelle dans ce contexte là, au milieu de ce couloir rempli, à ses yeux, de la crème des Américains les plus imbéciles ! Et cette langue en laquelle était prononcée une injonction, accompagnée d'un regard pourtant non-agressif, sans la calmer, eut au moins pour effet de la couper dans son élan. Elle baissa finalement les yeux, bouillonnant toujours intérieurement en réalisant que, en effet, tout ça n'en valait pas la peine ! Evan n'était qu'un con qui ne comprenait rien à rien !

Elle savait qu'elle s'était emportée... elle s'emportait toujours en ne le réalisant qu'après mais pourtant, elle n'avait absolument pas le regard d'une jeune fille en train de culpabiliser. Elle était juste... agacée et frustrée. Mais elle ne se sentait pas réellement mieux qu'auparavant sans pour autant être capable de regretter ce qui s'était passé. Elle ne parvenait même pas à sourire à l'idée qu'Evan soit blessé. Quoi que... la perspective de l'imaginer tenter de cacher le coquard qu'il aurait dès le lendemain pour pouvoir mieux draguer des filles, ça avait quelque chose de plutôt amusant. Mais elle rangea bien vite ce sourire pour simplement demander :

« Pourquoi tu as fait ça ? »

Son ton était froid sans pour autant être empli de reproches. C'était une question qu'elle se posait réellement mais également une façon pour elle de laisser entendre qu'elle se débrouillait très bien toute seule. Néanmoins, elle était incapable de résister au sentiment de bien-être qui la gagnait en réalisant qu'elle rencontrait un de ses confrères Suédois à Fordham. Le seul fait d'entendre son accent, et quelques mots de la langue... ça avait un certain don pour l'apaiser. Comme si lui, pouvait peut-être la comprendre. Au-delà même de la langue, il pouvait être étonnant de constater combien la mentalité entre les Nations pouvaient varier en des points.

« Cassandra. Tu es à Fordham depuis longtemps ? »

Elle ne se souvenait pas l'avoir jamais aperçu. Mais elle n'en concluait pas pour autant qu'il était nouveau. Fordham est une grande université et en général, ceux qu'on peut remarquer, sont toujours les mêmes.

Cassandra se voyait mal lancer une bagarre dans le couloir. Elle était bien loin d'imaginer qu'Evan aurait pu répondre à son coup. Chaque homme à qui elle en avait collé une – et ils étaient nombreux ! – n'avait jamais répondu à son geste. La plupart restait sidéré par le fait de se prendre une beigne de la part d'une fille et sûrement aussi, n'était-ce pas un réflexe pour la plupart des hommes de frapper une fille. Elle était très souvent tombé sur des salops, mais au fond il avait toujours s'agit de salops inoffensifs.

De son côté, et sans doute cela ne vous surprendra pas, Cassandra n'était pas une grande partisane du pacifisme. Elle voulait bien croire que le pacifisme marche pour Kristian. Mais physiquement, Cassandra était bien moins imposante que lui. Et si elle n'avait pas eu le regard fusillant, une tendance à crier dès qu'elle était contrariée ni un si bon crochet du droit, elle était certaine de se faire embêter par des mecs dans le genre d'Evan ! C'était ainsi que cela marchait. Elle savait qu'elle était une jolie blonde voire physiquement, le stéréotype de la fille facile. Et il fallait bien qu'elle lutte contre cette image qu'elle renvoyait. Ainsi, la violence lui servait sur de très nombreux points. Et elle aurait pu citer de nombreuses raisons pour justifier le geste qu'elle avait eu envers Evan. D'ailleurs, elle n'hésita pas à en glisser une :

« Mais la prochaine fois qu'il voudra insulter une fille, il y réfléchira à deux fois. Que ce soit avec moi, ou avec une autre... »

Elle voyait vraiment Evan comme le sale gosse typique qui avait manqué de valeurs dans sa vie, et très certainement de claques aussi ! Elle soupira en y repensant... quel être détéstable ! Mais elle releva finalement les yeux vers Kristian, désireuse d'oublier ce qui venait de se passer et plus largement, tout ce qui rattachait à ce con d'Halliwax. Il était pour elle bien plus agréable de penser à la Suède et, elle était ravie de cette nouvelle rencontre, bien qu'elle ne le montre par aucun signe spécial. Elle était quand même un peu contrariée par la façon dont s'était faite cette rencontre. Nul doute que si c'était une autre personne que Kristian qui s'était interposé, la personne ce serait faite pousser comme étant un obstacle sur la route qui la menait à Evan.

Cependant, elle ne put retenir un léger sourire en devinant l'excitation perceptible dans la voix de Kristian. Et elle pouvait aisément comprendre cette joie qu'il ressentait... Elle rit doucement en entendant qu'il était là depuis deux mois et déjà ravi d'entendre du Suédois :

« Qu'est-ce que moi je devrais dire ! Ca fait 3 ans que je suis à Fordham ! Je crois que j'ai rencontré au moins cinq Français et trois Espagnols !Mais pas un seul Suédois ! Tu es ici pour une raison particulière ? »

S'appuyant finalement contre un casier en le regardant, elle ne cherchait maintenant plus du tout à retenir le léger sourire désireux de s'attacher à ses lèvres depuis qu'elle avait entendu les premiers mots suédois qu'il lui avait adressé.

Elle était assez curieuse d'entendre la raison qui avait mené Kristian aux USA. Bizarrement et sans le connaître, elle ne l'imaginait pas vraiment être venu dans le but de poursuivre son rêve américain... Concernant Cassandra, l'idée de poursuivre ses études en Suède ne lui avait absolument jamais traversée l'esprit. Elle se serait bien imaginée ne jamais quitter sa ville natale. Si elle était aujourd'hui à Fordham, c'était car sa mère le lui avait demandé... pour des raisons complexes. Toujours est-il que Cassandra, aussi 'rebelle' aux ordres des autres puisse-t-elle paraître, avait toujours obéi à sa mère sans chercher à contester son autorité, quand bien même ce que celle-ci lui demandait n'allait absolument pas dans son sens.

Mais Cassandra n'était pas curieuse que sur ce point. Et lorsqu'elle entendit la question de Kristian, son première réflexe fut de vouloir lui renvoyer la dite question.

« Linköping, j'y ai toujours vécu jusqu'à mes 18 ans. Et toi ? »

Cassandra, qui était de nature curieuse, ne manqua pas de noter « ces événements » plutôt mystérieux qui expliquaient le départ de Suède de Kristian. Cela l'avait immédiatement intriguée. Mais aussi incivile puisse-t-elle être, elle ne poussait pas sa franchise jusque là et elle s'abstint de tout commentaire. Ils ne se connaissaient que depuis quelques minutes et elle ne voyait pas pourquoi elle aurait été en droit de connaître un point sur lequel il restait volontairement imprécis. Elle-même avait un jardin secret qu'elle souhaitait conserver, comme tout le monde. D'ailleurs, quand il lui renvoya la question, la réponse aurait été tout aussi complexe de son côté. En effet, tout avait démarré du fait que son père veuille renouer avec elle, l'enfant-adultère. Elle préféra donc s'en tenir dans sa réponse à un autre point, vrai aussi, et qui passait bien mieux :

« Mon père vit à New-York et mes parents se sont dits que ce serait une chance pour moi d'étudier à Fordham. Vu que je voudrais travailler dans les relations internationales, c'était en plus une bonne façon d'améliorer mon anglais. Alors je vis ici aujourd'hui. Mais je compte bien retourner en Suède plus tard... »

Autant dire que tous les prétextes qu'elle avait avancé ne lui auraient pas suffi pour rester à New-York. Elle se fichait bien d'étudier dans une université américaine réputée ou même d'améliorer son anglais qui avait de toute façon, toujours été plutôt bon. Elle était même persuadée que si elle n'avait pas fait la connaissance d'Esthell, elle serait vite retournée en Suède. Et puis il y avait aussi son ami Thomas qu'elle n'aurait pas eu envie de quitter. Seuls deux personnes la retenaient ici mais c'était grandement suffisant pour qu'elle veuille rester. Elle aimait des personnes et qui plus est, des personnes qui comptaient sur elle. De même, elle savait le plaisir que cela faisait à sa mère qu'elle étudie à Fordham, ainsi qu'à son père. Alors elle ne les décevrait pas. Mais sur le plan personnel, elle n'appréciait pas spécialement la vie universitaire ici, ni même la ville. Il n'y avait vraiment qu'en Suède qu'elle aimait réellement vivre.

Cassandra fut également surprise d'apprendre qu'il habitait une ville du sud de la Suède et qu'en effet, comme il l'avait souligné, ils étaient presque voisins.

« Göteborg est une ville sympa ! J'ai pu y aller pour quelques matchs avec mon club de handball... et c'était chouette ! Mais vos joueuses sont plutôt nulles... »

Elle sourit légèrement, n'ayant pas pu s'en empêcher. Mais c'était ainsi, elle se souvenait de chacun de ses matchs et même des scores. Son équipe avait perdu un premier match contre les handballeuses de Göteborg, mais après... elles avaient volé de victoire en victoire. Elle ajouta simplement, constatant avec amusement :

« Hé ! On s'est peut-être déjà croisés... »

Elle trouvait cette pensée vraiment étrange mais amusante également. Deux Suédois qui n'ont fait que se croiser et qui attendent d'être à New-York pour se rencontrer. Mais si cette réflexion l'amusa, la dernière question de Kristian la ramena sur terre. Elle aurait tellement aimé avoir la chance d'étudier à Linköping, même quelques mois... mais ça n'en avait pas été ainsi. Elle répondit, cernant assez bien l'ironie de la situation :

« J'ai juste été à la pré-rentrée, le temps de tomber amoureuse de l'université avant de monter dans l'avion. Plutôt dommage... Et toi alors ? Tu as pu étudier là-bas ? »