J'avais trop déconner. Je m'étais tellement fait à ce côté grand dégingandé comique à ses dépends que j'en avais oublié le plus important. Que j'en avais oublié un truc primordial qui me crevé les yeux maintenant, et le coeur par la même occasion. Ce truc qui me crever tellement profond que j'en avais les boyaux malades et les intestins qui se tordaient. J'avais pris l'habitude de fermer les yeux sur les alentours, de me cantonner à mon humour à côté de la plaque, de me prendre les baffes dans la gueule que je recevais la plus grosse claque du siècle. J'avais rêvé d'être un ami sérieux, celui sur lequel on pouvait compter et je réalisais que tout ça, je n'avais fait que le rêver. J'avais échoué dans ma tâche, dans l'unique but sérieux que je m'étais fixé pour ma vie. J'avais failli, ne me restait plus qu'à faire Hara-kiri, de m'occire. J'exagérais peut être mais le fait d'avoir autant échoué là que dans tous les autres trucs que j'avais pu vouloir faire me blesser. J'avais échoué dans l'unique tâche importante; j'avais oublié de regarder mon ami dans les yeux, de le fixer. J'avais oublié de le voir tel qu'il était et non pas comme il voulait paraître. J'avais zappé l'idée qu'il puisse être comme tout le monde, un putain de gamin paumé au coeur gros comme une patate génétiquement modifiée. J'avais oublié à quel point en tant qu'aîné, j'aurais du l'aider, le guider, le supporter mais la vérité c'était qu'au fond j'étais pas aussi mature que mon âge semblait vouloir faire croire. J'étais toujours un gamin qui pensait que la vie n'était qu'une sorte de grosse crème fouettée dans laquelle je prenais plaisir à plonger. Je me mentais aussi.
Il m'avait fallu voir les prunelles d'Is briller d'une lueur différente de celle habituelle, pour comprendre que tous deux nous jouions des rôles. Sauf qu'on venait de se prendre le scénario à la gueule et qu'on avait plus qu'à remballer nos affaires parce qu'on faisait plus le poids. J'avais tellement perdu mon temps à jouer les victimes que j'en avais oublié le seul truc important de ma vie; l'amitié. Is' tout particulièrement. Il était plus jeune que moi, pourtant je remarquais maintenant qu'il y avait une certaine maturité en lui et que c'était ce qui avait du m'attirer autant. Au fond, on se ressemblait pas mal. On se cachait sous des apparences qui n'étaient pas tellement faite pour nous. J'étais aussi ringard dans le rôle du boulet, qu'il faisait pitié dans son rôle de tombeur. Chez nous deux, le résultat était le même; on foirait tout. Tous ces putains de plans qu'on s'étaient mis en tête semblaient prendre fin d'une façon qui ne plaisait pas tellement.

Si j'avais été dans un dessin animé, sans doute que j'aurais été le gros blaireau qui tente de se pendre et qui se rate. Le genre à mettre la corde et a mal faire le noeud, ou alors à voir la poutre lui tomber sur la gueule et avoir des étoiles au-dessus de la tête. La vérité faisait plus mal; j'avais un putain de coquard à l'âme et il venait du coup qu'Is venait de me mettre en se montrant aussi .. Paumé.. Seul .. Désespéré et même blasé. Comment avais je pu être aussi aveugle ? Comment avais je pu le négliger à ce point ? Comment avais je pu, l'espace de quelques minutes, l'imaginer aussi fort qu'un super héros pour finalement réalisé qu'il était simplement humain. Je m'en serais fracassé le crâne contre le mur si cette balle ne m'avait pas atterrit sur la gueule. J'en aurais pleuré si les sanglots étaient pas restés coincé dans ma gorge, trafiquant ma voix pour la rendre rocailleuse. Je le voyais comme les enfants voyaient leur père. Avec cette satané étoile dans le regard, m'imaginant qu'il allait combattre toute les merdes de la vie et je réalisais qu'en fait .. Il était comme tout le monde. Pire, je réalisais qu'il avait ses limites et qu'il devait sans doute les avoir atteinte.
Ariel. Ce n'était pas un secret, il l'aimait, ça crevait les yeux pour ceux alentour mais pas pour les deux intéressés. Et ça me faisait mal, parce que qu'est ce que j'aurais donné pour qu'une fille me regarde comme lui regardait Ariel. L'amour rendait con mais dans le cas d'Is ça semblait plutôt le rendre malheureux et encore, comment pouvais je être certain qu'il ne s'agissait que de ça ?
Si j'avais été un véritable ami, aurais je été capable de les forcer à se confronter ? Aurais je eu le courage de leur signaler à quel point ils faisaient chier de pas se comprendre, alors qu'ils avaient tous deux les mêmes sentiments, juste qu'ils étaient pas capables de les partager. Un peu comme mon père et ma mère s'étaient ratés et écrasés contre le mur. Je me reprenais le divorce de mes parents en pleine gueule et c'était sans doute de là que me venait cette soudaine angoisse et envie de me rouler en boule avec Hubert dans mes bras.
Israel me faisait tellement penser à mon père quand il s'était séparé de maman, que j'en avais des vertiges et des nausées. Mais j'étais con de croire qu'il allait se mettre à me gueuler dessus que je ressemblais pas à un homme. J'étais pas un homme, c'était bien vrai. Dans la chaîne alimentaire, je me trouvais juste en-dessous du plancton. J'étais pire qu'une sous-merde dans laquelle on piétinait .. J'étais rien. Mon père avait raison, j'avais rien d'un mec. J'étais une larve. Une larve qui fixait Is' alors que les mots s'échappaient de sa bouche comme si chaque syllabes l'écorchait vif.

« Avouer d'abord ta part de tort dans l'histoire c'est déjà pas mal. A elle d'admettre sa part et ensuite à vous deux de régler ça. Tu sais, je suis désolé. » A mon tour d'avoir les mots qui m'écorchaient la gueule. Le sérieux m'allait plus que je ne l'aurais imaginé. « Je suis désolé d'avoir fermer les yeux, si j'avais vu à quel point ça allait pas, si j'avais osé le voir, j'aurais pu faire un truc. Peut être. J'aimerais bien pouvoir te rassurer et te donner des conseils, mais je suis une tanche en matière de fille, j'y connais rien .. Le seul truc que je pourrais dire c'est de faire une pause, mais ça encore je suis pas sûr de ce que ça veut dire. » J'haussais les épaules tandis qu'il ramassait son sac. « Je crains comme pote quand même.. Parce que même ça je le foire. »

Je soupirais légèrement et l'observais s'énerver contre la balle pour la voir rebondir contre le mur. Pauvre balle, j'aurais pas aimé être à sa place parce que putain, qu'est ce qu'elle avait du en prendre dans la gueule vu son état ! je m'avançais et la regardais rouler jusqu'à moi pour poser la pointe de la converse dessus et la ramasser. J'aurais aimé serrer le poing et la faire éclater mais j'avais la force d'une mouche soulevant un obèse. Autrement dit; Quelle merde comme le lança si bien Is'. Ouais, quelle merde.
Je gardais la balle et le rejoignais, réduisant la distance même si je ne faisais que réduire la distance physique. Parce que je ne l'atteindrais jamais sentimentalement parlant. Il était bien trop élevé pour moi et j'étais dans l'incapacité de l'aider. J'étais un minable et je commençais à me dire que mon père avait raison sur ce point. J'étais fait pour me faire marcher dessus, pas pour marcher sur les autres ni à côté d'eux. J'étais un moins que rien et je m'en rendais difficilement compte aux côtés d'Is. J'avais beau le dépasser de quelques centimètres, je me sentais minuscule.
Je mûrissais d'un coup, trop violemment à mon goût et ça faisait mal de se prendre 19 piges dans la tronche. Ça allait encore me laisser un sacré bleu et j'étais pas sûr que j'allais réussir à m'en débarrasser de celui-là. J'étais foutu, à ce train-là me restait plus qu'à me tirer une balle et encore, j'étais pratiquement sûr que même ça j'allais le foirer. Je sifflais pour attirer l'attention d'Israël et lui re lançait sa balle d'un geste assez sec, que je n'avais pas réellement contrôlé. Je voulais juste me débarrasser de cette balle, comme si elle constituait un poids un peu trop lourd à mon goût.

OK by Bree