La vie à The House of Night se résume à quelques points principaux : le réveil, le petit déjeuner, des cours, le déjeuner, encore des cours, le diner, le sommeil. En 17 années de vie, je ne m'étais jamais autant ennuyée que dans cette école de merde, et croyez moi, ma vie d'avant n'était pas très passionnante. Cependant, à l'époque, j'avais mes grands parents à faire chier. Aujourd'hui, il ne me reste que ces putains de suceurs de sang. bo-ring. Je vais vous raconter ma journée de merde, en commençant par le commencement. Il y a 4,6 milliards d'années, il y eu le Big Bang. De là vient tout l'univers, les Galaxies, et notre Système Solaire. Hé, si vous voulez garder vos jambes, ne m'interrompez pas ! Quoi ? Ah, c'est vrai, ça c'est le commencement de tout, désolé, je suis mal réveillée. Le réveil ! C'est de ça que je voulais vous parler. Ce matin, je me suis levée contre mon gré, comme tous les matins. Mon téléphone me réveilla avec cette affreuse sonnerie d'extra-terrestre. J'ai cru encore une fois que j'allais finir par le jeter sur un mur, tellement son son strident m'agaçait. Je me suis impressionnée moi même lorsque je me suis mise debout, sans une once de colère sur le visage, et me suis dirigée vers les toilettes comme une élève modèle. Impressionnant, n'est-ce pas ? Une fois dans la salle de bain, je pris ma douche, fis ma toilette, m'habilla, et ressortis toute prête. Mon corps avait l'air de faire des choses dont je ne me rendais même pas compte, tellement mon cerveau était encore ensommeillé. Avec un léger coup de pied sur le lit de ma colocataire, toujours plongée dans les bras de Morphée, j'attrapais mon sac et me dirigeais vers la sortie. Qui aurait cru que moi, Rebecca Laure Desroches, serait un jour aussi efficace ? Je suis tombée de mon nuage lorsque mes pieds se prirent dans l'énorme cartable d'un élève de première année. Sans surprise, une colère grandissait en moi. Le petit garçon de 16 ans me regardait d'un air effaré. Qu'allais-je lui dire ? Aucune idée à vrai dire, les mots sortaient toujours sans que j'y pense sérieusement...


Le gamin me regarda, terrorisé. Je me sentais bien, j'avais trouvé quelqu'un sur qui défouler ma frustration contre mon réveil, Ses amis étaient morts de rires autour de lui. Ayant l'impression d'être un spectacle pour eux, je leur siffla un petit "Vous êtes les prochains" entre mes dents, et ils se turent directement. Effrayer les premières années étaient définitivement mon passe temps préféré dans cette école. Ils étaient tous ignares, débutants, timides. L'année dernière, je crois que moi et cette Elizabeth Montgomery étions les seules de notre génération à ne pas paraître pour des petites filles peureuses. Pourquoi avons-nous rejoint les Dark Daughters, à votre avis ? Alors que les autres travaillaient et respectaient les profs, nous, on les faisait chier, en leur gueulant dessus, on préparait des fêtes monstrueuses. Je suis fière de moi. Fière de ne pas être une gamine écervelée de 17 ans, fière d'avoir des parents de merde qui m'ont rendue telle que je suis. Avec un petit sourire sournois en coin, je m'éloignait des premières années et me dirigeait vers les Dark Daughters. Lorsque mes pas s'arrêtèrent près d'elles, leur discussion se stoppa nette. La dirigeante était là, et elle me regardais avec un air qui se voulait menaçant. Moi, j'avais juste l'impression qu'elle allait se chier dessus, ce que je ne manqua pas de dire. Après cela, elle se leva de table, prétextant ne plus avoir faim. Je pris sa place, ce que les autres filles semblaient prendre avec peur. Je me demandais ce qui se passait. Avait-on découvert que je prendrai bientôt son boulot de présidente des DD ? Je ne voulais pas y penser, et à la place, je suivis la conversation inintéressante sur les nouvelles chaussures Gucci de Alexia d'un air absent, mais imposant.

Une dizaine de minutes plus tard, je n'avais toujours pas touché à mon plat. Je n'ai jamais faim le matin. Alors je me suis contentée de me lever, de mettre une banane dans mon sac au cas où j'avais un petit creux plus tard, et de me diriger vers la salle de mon premier cours. Ce dernier ne fut pas plus différent qu'un autre, à part lorsque le prof découvrit qu'un élève n'avait pas fait ses devoirs. Je ne voudrais pas être à sa place... Non, à vrai dire, j'aurai bien aimé être à sa place. Masochiste, moi ? Non non, ça m'aurait juste donné une occasion de montrer ma supériorité à la prof, en me vengeant. Je me suis promise que la prochaine fois, je ne ferai pas le travail qu'elle nous donnerait. Ou, je le ferai, et je le cacherai. Qu'est-ce que vous croyez, je suis une bonne élève moi, les Dark Daughters ne contiennent pas que des salopes sans cervelles, c'est des salopes intelligentes, encore pire. Ma "matinée" (entre guillemets car, souvenez-vous, les journées sont inversées pour les vampires) se déroula de façon plutôt normale, sauf lorsque cet idiot de Greg Haunt m'a demandé de sortir avec lui. Vraiment, il y a de ces cons dans ce monde. Je me suis contentée d'un petit "Tu es moche, impopulaire, stupide. Donc, tu n'es pas mon genre. En conclusion, la prochaine fois que je te vois en train de te branler sur une photo de moi, je t'arraches les couilles". La routine quoi, j'aurai pu faire bien plus méchant. Il est parti en pleurant, la main sur son entre jambe, comme s'il le protégeait. Vraiment, les mecs, tous des cons. Pourquoi vous croyez que je ne sors qu'avec des filles ?

Donc, je conclus : à part ce petit accrochage avec cet idiot de seconde année, toute ma "matinée" se passa absolument bien. Mon humeur s'améliora encore un peu lorsque j'ai pu punir le connard qui avait bloqué ma porte l'autre jour. J'ai fais passer au détecteur de mensonges (un prof que j'ai forcé avec du chantage) tous les élèves de première année, et l'un d'eux a fini par avouer. Si vous voulez mon avis, il n'aurai pas dû. Ou, en tout cas, je ne l'aurai pas fais à sa place. J'aurai dit que quelqu'un m'avait forcé, au pire. Je me serais battue jusqu'à mon dernier souffle. Mais bon, ce gamin est loin d'être aussi avancé mentalement que je le suis, donc il s'est simplement contenté d'un "Oui, c'est moi qui l'ai fait". Je n'avais pas besoin d'explications, ou de justifications. Je savais très bien qu'il avait fait ça par vengeance, que ce soit pour quelque chose que je lui ai fait ou que j'ai fait à l'un de ses amis. De toute façon, ma sentence n'allait pas changer. J'aurai pu sortir mes techniques de Tae Kwondo et le mettre à terre. J'aurai même pu lui mettre une flèche dans le ventre avec mon arc. Mais la pire des punitions restait le fait de le prendre pour réfrigérateur pour le prochain rituel des Dark Daughters. Les plus âgées boiront son sang, tandis qu'il sera traité de moins que rien, qu'on se moquera de sa gueule, qu'on le torturera. Il sera la risée de l'école pendant un moment, et même ses meilleurs amis refuseront de s'approcher de lui. Ça lui apprendra à s'en prendre à Rebecca Desroches. Il m'a supplié, s'est mis à genoux, a proposé de me faire toutes mes corvées durant des mois, de me lécher mes chaussures, d'être mon serviteur. Mais rien n'y fit, la douleur sur son visage était trop hilarante pour que je puisse la faire partir en acceptant l'une de ses propositions. Je me trouverai un larbin bien assez vite, je n'avais pas besoin de ce moins que rien qui n'était bon qu'à bloquer les portes des autres. Le reste de ma journée, je restais d'aussi bonne humeur, un sourire (sournois, évidemment) accroché aux lèvres. Pourtant, lors de la dernière heure, Cassandre, ma professeure de français massacra mon bonheur en nous donnant un livre à lire pour le lendemain... et en français ! Certes, on avait le droit de le choisir, mais déjà, un jour pour lire un livre, c'était presque impossible, alors en français... Mais bonne élève que je suis, j'allais évidemment respecter les conditions qu'elle avait données.

À la fin de la journée (ou soirée) de cours, tous les élèves qui suivaient l'option de français se dirigèrent vers la médiathèque pour emprunter ce livre. Ils allaient probablement, tout comme moi, passer leur temps à le lire, au lieu de dormir. Cependant, alors qu'ils sont tous sortis après avoir choisi leur bouquin de 300 pages au minimum, j'ai préféré rester. Pourquoi ? Parce que je me connais, et dès que je serai sortis de cette salle pleine de livres et d'ordinateurs, je n'allais pas passer une seule seconde à bosser sur ce putain de livre de merde. Surtout que ma colocataire allait sûrement me convaincre de laisser tomber, studieuse qu'elle est... Alors, au lieu de partir, mon cul resta collé à cette chaise, la version française d'un des livres de Mary Higgins Clark entre mes mains. J'aurai pu choisir n'importe quel auteur français à la con, comme Marc Levy, Guillaume Musso. Dans cette médiathèque, il y avait vraiment tous les livres rendus publiques à ce jour. Devinez un peu sa taille. Mais à la place, j'ai choisi un bouquin de cette auteure américaine dont je suis folle. Pas d'elle, de ses livres. Ils sont passionnants, et j'arrivais à les terminer en quelques heures seulement. Je n'étais pas sûre de pouvoir dire la même chose pour un livre en français, mais ça valait le coup d'essayer. Tandis que j'étais plongée dans l'histoire de cette jeune fille souffrant d'un trouble de dissociation de l'identité, la bibliothécaire vint me voir pour me dire qu'elle allait fermer. Je lui ai répondu que je n'en avait rien à foutre, et que je n'allais pas bouger. J'avais vu une des élèves de première année que je torturais pour mon plaisir vers l'un des rayons, mais attendre de moi que je la prévienne ou que j'informe la bibliothécaire de sa présence, c'était comme attendre de Marilyn Manson d'arrêter de gueuler, autrement dit, 'fallait pas trop rêver. Alors la vampire adulte qui rangeait les livres s'éloigna, éteint les lumière, et ferma la porte, sans prendre la peine de vérifier si quelqu'un d'autre que moi était là. Le manque de lumière ne me dérangea pas, après tout, nous les vampires sommes faits pour nous habituer à la nuit, n'est-ce pas ? Je repris ma lecture, l'air concentrée. J'ai vaguement remarqué le fait que Lélia Lazare était sortie de son rayon pour découvrir qu'elle était coincée ici avec moi. Un petit sourire se dessina sur mes lèvres lorsque je la vis se diriger vers l'autre bout de la médiathèque. La concentration n'était plus de mise, et mes mots sortirent sans que je ne m'y attende, mon ton était fort, net.