Déjà plusieurs longues minutes que je suis là. Je regarde autour de moi au cas où je verrai Soren arriver d'un côté ou de l'autre du wagon. Je soupire un peu, j'aime ne pas être sûr. J'ai vraiment très envie qu'il vienne ce soir. J'aurai dû attendre une réponse de sa part avant de me ramener ici. Bon au pire j'irai chez lui directement après cette soirée. Il faut que j'arrête de penser à lui. Cette soirée est assez exceptionnelle, il faudrait que j'en profite. La musique a l'air pas mal. Je l'entends depuis ce wagon là. Une jeune fille s'installe à côté de moi, je lui jette un coup d'oeil, elle a un déguisement discret de chat. Simple, mais efficace. Assez sexy aussi je dois dire, même si ce n'est pas ma tasse de thé. Je l'entends qui commande un Bloody Mary.

« Mettez en deux. » dis-je à l'adresse du barman.

Je tourne la tête vers elle, elle n'a pas l'air dans son assiette. On a tous des problèmes ça je le sais. Je ne devrais pas faire mon curieux et la laisser tranquille mais elle a l'air aussi ennuyé que moi. Je termine la larme

« Toi aussi on t'a posé un lapin ? »

Je dis ça comme ça, ce n'est pas tout à fait vrai pour moi, mais pour l'instant je suis tout seul au lieu d'être accompagné, donc c'est tout comme. Au moins l'absence de Soren me permettra peut-être de faire quelques rencontres. Je sais que s'il était là je serai collé à son corps comme une sangsus.

Je me réveille en entendant la sonnerie de mon portable. Je gromelle un petit peu et me demande quelle heure il peut bien être. J’ouvre les yeux et regarde le réveil : bordel, c’est même pas encore la nuit, ce n’est que le début de soirée. Je me demande pendant quelques secondes ce que j’ai foutu pour m’endormir si tôt et je me souviens des médicaments qui me rendent complètement mort de fatigue à chaque fois que je les prends. Soupire. Je passe une main sur mon visage et attrape le téléphone. Un message d’Aaron. Il me raconte qu’il est au bar et qu’il est super sexy. Je fronce les sourcils. Qu’est-ce que j’ai manqué...? Et c’est forcément à ce moment que je me souviens de la soirée d’Halloween et de cette invitation que j’ai trouvé dans ma boite à lettres. Merde. Merde. Merde. Merde. Je n’aurai vraiment pas dû passer l’après-midi avec des potes à boire autant de bières (ça ne fait jamais bon ménage quand on est sous traitement). Le pire, c’est que j’ai mon déguisement - enfin, tout en simplicité, mais quand même. Du coup, je repose mon portable et me prépare en quatrième vitesse. Je suis déjà pas mal à la bourre.

Après avoir fait la route, j’arrive enfin à destination et je suis plutôt impressioné par ce que je vois. Je montre l’invitation aux personnes qui se trouvent devant et on me laisse entrer. Je dépose quelques affaires au vestiaire et pénètre dans les différentes voitures du train. Je pensais pas que ça allait être aussi réussi. Je me demande bien qui a eu cette idée. Mais il faut dire que cela correspond assez bien à l’extravagance New-Yorkaise... Je tripote nerveusement mon stéthoscope - oui, j’ai décidé que j’allais être docteur, ce soir. Un pote m’a généreusement prêté sa blouse blanche. OK. J’ai été prit de court. J’ai fait de mon mieux.

Je regarde les différentes personnes et, je l’avoue, mate un petit peu - je ne suis qu’un homme. J’arrive également au bar. Grâce à ma haute taille, je n’ai pas besoin de faire de gros efforts pour remarquer qui se trouve là et mon regard s’attarde sur Aaron déguisé en cowboy. Je ne peux que sourire, encore une fois. Voulant m’amuser un petit peu, je ne m’annonce pas et me dirige un peu à l’écart et m’installe à quelques chaises de là où il se trouve. J’interpelle le serveur et lui commande un Blue Lagoon tout en l’observant.

Quand on vit en Europe, on fait souvent partie des gens qui rêvent de vivre à l’Américaine. En même temps, même en étant en France (ou à Monaco dans mon cas), on est bercé à la télévision par des séries ou des films Américains, qui étaient en général beaucoup mieux que les films produits par notre très cher pays. Donc on a envie de vivre comme eux, on rêve de l’Amérique. Et je m’estimais tellement heureux de pouvoir vivre comme ça maintenant, et que ma fille n’ait également pas à subir le système scolaire Monégasque qui était, au même titre que le système Français, totalement pourris. C’était ce que je m’étais dit en débarquant à New-York, avec une petite fille qui ne parlait pas Anglais et qui était triste de quitter ses copains et ses copines à Monaco. J’étais convaincu qu’ici, on pourrait être beaucoup plus heureux qu’à Monaco. Peut-être qu’on s’éloignait de mes parents et également des vrais  arrières grands parents de Victorine (les grands parents d’Ailynn) mais on se rapprochait aussi d’Ailynn, on vivait dans une ville totalement extraordinaire, Victorine serait très rapidement bilingue… oui, j’étais convaincu qu’elle pourrait être heureuse ici. Et l’emmener fêter Halloween faisait partie de ces choses qu’il fallait qu’elle fasse et dont elle devait s’habituer, car je me plaisais à New-York et je comptais bien rester ici le plus longtemps possible. Entrant finalement dans le train fantôme, j’essayais de nous frayer un chemin jusqu’au bar en gardant ma main fermement dans celle de ma fille : pas question de la perdre ! Une fois au bar, je demandais à ma fille ce qu’elle voulait boire en sortant le portefeuille de ma poche, « Un coca, bien sûr. S’il te plaît. » Je souris et je me tournais vers le barman en lui demandant un coca, lui tendant un billet de cinq dollars, « Papa, il y a des costumes tout bizarres, hein. Jolis mais, bizarres. Tu crois qu’il y a une Ariel quelque part ? » Je ris et je prenais le verre de coca en remerciant le barman, le tendant alors à ma fille, « Mh… je ne sais pas… » Je regardais autour de moi, grimaçant en voyant certains déguisements, « En tout cas, c’est vrai que certains ont des déguisements assez… bizarres… » Je me penchais vers elle pour lui demander, « Tu veux que j’te prenne sur mes épaules pour que tu vois si y’a pas une Ariel dans le coin ? », demandais-je avant de conclure, «  Mais fais attention à ton verre hein ! » Je l’attrapais alors, un peu difficilement (en même temps Victorine avait sept ans, donc ça n’était plus un bébé léger comme une plume) et je la déposais sur mes épaules, tenant ses jambes pour être sûr de la tenir. « Alors, qu’est-ce que tu vois de là-haut ? », lui demandais-je en relevant la tête vers ma fille.  

Accoudée nonchalamment au bar, en pleine discussion à propos de choses et d'autres avec Maxime, Lorella observait du coin de l'oeil les allées et venues des uns et des autres, tous occupés à danser, rire ou boire, histoire de profiter au maximum de la fête qui avait été organisée dans le plus grand mystère.
L'Italienne ne sortait plus énormément ces derniers temps, aussi elle appréciait grandement les moments passés en dehors du musée où elle travaillait, ou bien en dehors des quatre murs de son appartement. Enfin...Si on exceptait les soirées en compagnie de Samira, la ravissante jeune femme qui...Lorella s'arrêta net au milieu de sa pensée. Leur relation était bizarre, définitivement teintée d'autre chose que d'amitié. Le désir était né il y a quelques mois de cela, l'envie de commencer une relation également; mais pour l'instant elles passaient leur temps à s'embrasser occasionnellement et à se contenter de longs regards explicites, ou bien de caresses furtives sur les cuisses. Se faire du pied sous la table, rire en coin et rougir comme des adolescentes; semblaient être devenus leurs passe-temps préférés. Pas que Lorella allait s'en plaindre, au contraire. Son ancienne meilleure amie était bien trop attirante pour qu'elle y voie quelque inconvénient que ce soit.

Tournant brièvement la tête, la brune aperçut soudainement celle qui occupait ses pensées de manière régulière, et faillit s'étouffer tout net dans son verre. Elle tourna la tête vers Maxime, prit une grande inspiration et réunit tout son self-control lorsqu'elle entendit une voix à son oreille, murmurer un simple « Miaou ». Elle savait parfaitement à qui ces intonations appartenaient, elle aurait pu les reconnaître même dans son sommeil.
Lorella tourna à peine la tête, de peur de se mettre à dévisager Samira, et esquissa un simple sourire, accompagné d'un rougissement toujours plus prononcé qui s'étalait sur ses joues. Le contrôle de sa respiration devenait difficile. Qu'est-ce qui lui avait pris aussi, de venir habillée comme ça ?! Elle avait un corps complètement renversant et si elles n'avaient pas été en public, Lorella aurait probablement plaqué son « amie » contre un mur avant de l'embrasser partout où elle le pouvait.
Ses pensées dérivaient à vitesse grand V, et à nouveau l'Italienne baissa les yeux sur son propre costume, tâchant de regagner une quelconque contenance. En vain. Son amie était trop sexy pour son propre bien. Qu'en pensait Pocahontas ? Euh...Présentement, Pocahontas était à deux doigts de la combustion spontanée.

Elle se pencha légèrement vers la Brésilienne, dents serrées. « T'es complètement folle de t'habiller comme ça, ma parole. Si tu voulais faire tourner tous les regards vers toi, tu as réussi, mais tu m'as fait complètement perdre le contrôle de moi-même. Bravo Samira ! »
Lorella tourna finalement ses iris, plus noirs que jamais, vers son amie. Elle ne savait pas réellement à quoi son expression ressemblait à cet instant précis, mais pour être honnête elle s'en fichait. Elle voulait juste...

Son cerveau n'eut pas eu le temps d'enregistrer la suite des évènements - Samira saluant Maxime, Samira engueulant la jeune femme admiratrice de son costume; qu'elle se retrouvait collée de la tête aux pieds à la brune, leurs bouches liées en un long baiser qui semblait ne jamais vouloir se finir. Lorella avait miraculeusement déniché un coin plus sombre que le reste du wagon, laissant ses mains se poser sur les hanches découvertes de Samira. Mordant délicatement le lobe de son oreille, son sourire s'élargit encore. « Bas les masques, je suis complètement folle de toi. »

Victorine était une petite fille vraiment très polie. Et sage aussi. En fait, elle était la petite fille que tous les parents rêvent d’avoir, et je ne dis pas ça parce qu’elle était ma fille. Non, tout le monde me le disait en fait, et je me disais que finalement, même si j’avais été père assez tôt et d’une manière plutôt inattendue, je m’étais bien débrouillé. Je savais m’occuper d’elle comme si elle était ma propre fille et à mes yeux, elle était ma fille, même si les liens du sang de nous n’unissaient pas. Je redoutais d’ailleurs le jour où j’allais devoir lui avouer que je n’étais pas son père biologique. J’avais peur de sa réaction, et je me disais qu’elle était encore trop jeune pour comprendre. Une de mes plus grandes craintes étaient qu’elle ne veuille plus être aussi sage, juste pour me faire payer mon mensonge. Ou alors qu’adolescente, elle ne veuille plus vivre avec moi, prétextant que je n’étais pas son père. Ou pire encore : qu’elle ne m’aime plus. Parce que dans les moments difficiles, je me raccrochais à elle : elle était mon petit rayon de soleil, mon petit bébé d’amour (même si à sept ans elle ne voulait plus trop que je l’appelle mon bébé). Le fait de venir vivre à New-York était également un pari assez risqué, car si Ailynn décidait de réellement connaître sa fille, Victorine pourrait décider de vouloir vivre avec sa mère, surtout le jour où elle apprendra que je n’étais que son père adoptif. Je me préparais petit à petit à cette idée, parce que je savais à l’avance que ça allait me faire beaucoup de peine. Il y avait l’option de ne jamais lui révéler, mais je ne me voyais pas vivre dans le mensonge toute ma vie. C’était normal qu’elle sache un jour. « Oh oui, oui, oui. Je veux ! Oui, je ferais attention. » Je souris légèrement : elle avait intérêt à faire attention, parce que je ne tenais pas à ce qu’elle renverse son coca dans mes cheveux, ils étaient déjà assez galère à coiffer comme ça ceux-là. J’attrapais alors ma fille et je la posais sur mes épaules, lui demandant ce qu’elle voyait de là-haut. « Tous pleins de déguisements trop beaux ! Et des bizarres. Pas d’Ariel, papa. Même pas de Schtroumpfs. » Je ris un peu et je balayais à mon tour le wagon du regard pour l’aider à chercher une princesse, bien que je doutais qu’une personne se soit déguisée comme ça, honnêtement. « Il faut aller ailleurs papa, peut-être qu’ils sont autre part. » J’hochais la tête, « Oui, tu as raison, on va aller voir dans les autres wagons ! » Je commençais à marcher à travers la foule, et je vis un peu plus loin une jeune femme (Emilia), toute seule au bar. Une belle blonde. Je m’arrêtais de marcher et je regardais à nouveau ma fille, « On devrait peut-être demander de l’aide non ? » Je m’avançais vers la jeune femme, lui demandant alors, « Vous êtes toute seule ? Avec ma fille, on cherche quelqu’un avec un déguisement de princesse… ça vous dit de nous aider plutôt que de rester en mode solitaire au bar ? » Sortir, c’était aussi l’occasion de se faire des nouvelles connaissances, alors il fallait bien que je fasse le premier pas vers les New-Yorkais. Après tout, c’était moi l’étranger, et avec mon accent Français, les gens le repéraient tout de suite.  

Hanne jeta un regard sceptique au carton épais qu'elle tenait de sa main gauche, encore peu enthousiaste à l'idée de se rendre à ce genre de fête. Mais il fallait dire que bon nombre de ses amis new-yorkais avaient finalement réussi à la convaincre de participer à la soirée d'Halloween, faisant fi de ses grimaces peu convaincues. La jeune femme avait donc déniché une espèce de longue robe bleu clair, qui moulait son corps à la perfection, ajoutant pour la bonne mesure un joli masque qu'elle avait acheté à Venise il y avait de cela plusieurs années, lors d'un voyage en famille.
Avant d'entrer dans Grand Central Station, la Danoise enfila son masque, le laça derrière sa tête et se laissa emporter par la foule, visiblement grisée par la perspective des réjouissances. Sur l'un des quais, un vieux train dont émanait une ambiance légèrement mystique attendait ses passagers, tous dix fois plus contents que Hanne, qui continuait à traîner des pieds. Le cortège joyeux de ses amis et des autres participants la  porta à l'intérieur. Elle se laissa guider jusqu'au wagon-bar, s'autorisant un micro-sourire.
Au moins, peut-être qu'un verre d'alcool ou deux pourraient lui illuminer sa soirée, elle qui aurait tué père et mère pour retrouver le confort de son canapé et une de ses séries préférées. Et sa soeur jumelle par la même occasion, Haley, avec qui elle aurait probablement passé des heures à discuter de tout et de rien..

Hanne laissa échapper un soupir, et se retourna, s'attendant à retrouver les visages enjoués de ses amis. Manque de pot, ils avaient visiblement tous pris la poudre d'escampette et la jolie blonde se trouva plantée là, le visage bizarrement vide de toute expression.
Les maudissant sur quinze générations, elle noya sa rancoeur dans un premier verre de vodka. Un peu plus d'attaque à aller les retrouver et leur sonner les cloches, la patineuse fit volte-face et son visage s'éclaira d'un sourire radieux; elle venait d'apercevoir Eduardo, dansant tout seul comme si sa vie en dépendait.
Ni une ni deux, elle le rejoignit et lui tapota l'épaule, toute à sa joie de le revoir. « Heeeey ! Mais ça fait une éternité qu'on ne s'est pas vus, nous deux ! »
Elle l'aurait volontiers serré dans ses bras, mais la réserve naturelle de la jeune femme l'en empêcha et elle resta juste devant lui, surprise du tour qu'avait pris cette soirée à laquelle elle ne voulait même pas aller.

Snow s'était emballée comme à son habitude. Elle aimait réellement Disney et voir une fille déguisée en Pocahontas c'était vraiment trop pour elle. « Il n'y a vraiment pas de mal, merci pour les compliments, ça fait toujours énormément plaisir ! » Snow sourit, elle ne voulait pas non plus déranger. Mais on était une fête et c'était le moment de faire connaissance et de se faire de nouveaux amis sauf elle ne put rien ajouter qu'une femme déguisée en Catwoman vient à elle. « Excuse-moi, on se connait ? » tout en s'adressant à Snow. Serait-elle de nature possessive ? Elle ne saisissait pas trop la situation qui se déroulait devant elle. « Non j'étais juste admiratif devant son costume. Mais je vais vous laissé tranquille. » Snow essaya de chercher une autre compagnie. Elle reconnu Soren de loin mais il semblait accompagner. Surement le garçon dont il avait parlé. Cela lui faisait toujours bizarre de voir qu'il s'était rangé auprès des garçons. Mais elle ne voulait pas se montrer imposante. Elle chercha quelqu'un du regard puis vit Eduardo, un ami dont elle appréciait aussi. Mais il sembla occupé lui aussi avec la jolie blonde. Alors elle alla s’asseoir au bar tout en se mettant loin de Soren pour éviter de déranger. Elle ira le saluer plus tard. Elle demanda un verre d'alcool. Si seulement une personne qu'elle connaissait se présenta au bard. Elle décida d'envoyer un texto à Ash pour savoir s'il comptait s'y rendre ou pas du tout.

Train fantôme

Il avait fallu un léger moment d’hésitation à Camelia avant de se décider à récupérer sa photo. Dans un premier temps, il fallait avouer que les chaussures la piétinant l’avaient quelque peu découragée mais rien que le fait de penser à la file d’attente pour en prendre une nouvelle avait suffit à lui faire changer d’avis. C’est ainsi qu’elle se retrouva obligée de déranger cette personne, qu’elle ne prit même pas vraiment la peine de regarder. Et pourtant, peut-être bien qu’elle aurait dû. « Camelia ! » A l’entente de son prénom, elle releva vivement la tête, déposant son regard ébahi sur la cow-girl. Il ne lui fallut pas bien longtemps avant de réaliser qu’elle la connaissait. Zaira. Son cœur fit un bond immense dans sa poitrine. Elle croyait rêver. Que faisait sa meilleure amie d’enfance ici ? A New York ? Dans le même train fantôme qu’elle, qui plus est.

« Je… Je ne savais pas que tu étais à New York ! » Et bien comme ça, elles étaient deux. Toujours sous le choc, la jeune femme passa un main déstabilisée dans ses cheveux et parvint finalement à balbutier un semblant de réponse. « Moi non plus… je… je suis vraiment étonnée de te voir… ici. » Un sentiment de joie vint se mêler à sa surprise, c’était toujours l’effet que l’italienne avait eu sur elle. Enfin, si on mettait de côté la fin de leur amitié que Camelia avait regretté toutes ces années. A cette pensée, elle avala difficilement sa salive. « Tu as sorti le grand jeu ce soir dis donc ! » Un compliment de la part de Zaira ce n’était pas rien, elle qui avait de tout temps été le modèle de la jeune femme. Elle était si belle, encore plus aujourd’hui maintenant qu’elle avait muri. « Je te retourne le compliment, tu es toujours aussi sublime. La più bella »  lui répondit d’elle dans un sourire chaleureux et sincère. « Ça va depuis… tu sais quand ? » Ou comment dire de façon polie, ça va depuis le moment où t’es devenue une junkie et qu’on a arrêté de se parler ? Elle se sentit soudainement très bête devant elle, en repensant à l’adolescente idiote qu’elle avait pu être, en repensant à tout ce qu’elle avait caché à sa meilleure amie et à ce que cela avait fini par engendrer. « Ça va beaucoup mieux. » Ceci dit, il était bien difficile de faire pire que l’époque où elles s’étaient quittées.

La gorge sèche, Camelia posa ses yeux sur le verre de son amie – pouvait-elle encore l’appeler ainsi ? – et ressentit un grand besoin de boire quelque chose. « Je vais aller prendre un verre au bar, tu m’accompagnes ? J’aimerais beaucoup que tu me racontes comment tu es arrivée ici et tout ça. » demanda-t-elle, le regard suppliant. A une certaine époque, elle n’avait pas besoin de la regarder comme ça pour la convaincre d’aller boire un verre. Leur complicité était si belle, quel dommage d’avoir tout perdu. « En souvenir du bon vieux temps, si tu veux bien. Ou si ça se trouve tu attends quelqu'un, au quel cas je comprendrais totalement ne t'inquiètes pas. »

CREDIT TO KAIJI

Voilà maintenant deux heures que vous déambulez dans ce train. Vous découvrez petit à petit les nombreux compartiments dont la décoration et la musique ont été minutieusement choisies. Vous passez d'un compartiment presque entièrement décoré de orange et de noir, dont la musique mystérieuse et angoissante vous prend aux tripes, à un compartiment aux couleurs beaucoup plus douces et à la musique scintillante et légère, et ceci rien qu’en passant une double porte. Vous êtes également étonné de voir tout ces costumes  particulièrement originaux, et pour cause, vous ne voyez aucune sorcière classique ou de fausse Marilyn Monroe.

Vous rejoignez alors quelques amis dans un couloir entre deux salles et décidez de rejoindre le calme du compartiment restauration pour calmer vos maux de ventre. Vous discutez alors joyeusement avec vos camarades tout en vous délectant de mets plus colorés les uns que les autres et aux goûts tout aussi étonnants. Vous plongez même vos mains dans des marmites pleines de substance gélatineuse que vous introduisez dans votre bouche sans même chercher à en connaître l'origine. Vous êtes alors agréablement surpris de découvrir cette explosion de saveurs qui s'empare de votre bouche.

Vous décidez finalement de rejoindre le compartiment danse histoire de vous dégourdir les jambes. Vous découvrez alors une ambiance festive avec tout un tas de personnages étonnants en train de se déhancher comme jamais sur la musique du groupe The Leopards, installé sur une estrade dans un coin de la salle. Vous remarquez d'ailleurs qu'un micro est placé juste à côté du bassiste, mais qu'il n'y a personne devant. Un sourire étire alors vos lèvres tandis que vous vous demandez comment autant de gens peuvent tenir dans un train. Vous avez l'impression de vous trouver dans la tente d'Harry Potter, comme si tout était plus grand de l'intérieur. Vous vous avancez alors sur la piste de danse, attirant l'une de vos amies avec vous.

Puis d'un coup: plus rien. Musique, lumière, climatisation: tout a été coupé d'un coup. Quelques cris de surprise retentissent alors ça et là, tandis que tout le monde s'est arrêté de danser. Un murmure généralisé s'installe dans la salle et tout le monde se pose la même question: que se passe-t-il ? Vous entendez alors un bruit assourdissant, qui ne dure que quelques secondes. Vous n'avez aucune idée de ce qu'il s'agit, mais cela effraie tout le monde. Un mouvement de panique générale débute alors et vous êtes bousculé dans tous les sens, ne sachant plus où donner de la tête.

Si en venant à cette fête mystérieuse, elle s’attendait à être surprise, elle ne pensait pas l’être à ce point. Et ce n’est pas à cause de ce train fantôme mais à cause d’un fantôme du passé qui ressurgit. New York est une grande ville, elle ne s’attendait pas à croiser Camélia par hasard. Et pourtant, elle est là, dans son costume de pom-pom girl. « Moi non plus… je… je suis vraiment étonnée de te voir… ici. » C’est étrange pour Zaira de se dire que si elle l’avait voulu, elle aurait pu entrer en contact avec son ancienne amie dès qu’elle a su qu’elle était à NY. Mais elle ne l’avait pas fait, par peur de la confrontation. En effet, les deux italiennes ne se sont pas quittées dans les meilleurs termes et Zaira le regrette. Même si elle jugeait excessive la réaction qu’avait eu Camélia à propos de la relation que Zaira entretenait avec son frère, elle n’aurait pas dû l’abandonner. Encore aujourd’hui, elle s’en veut de n’avoir rien fait de plus pour l’aider. « Je te retourne le compliment, tu es toujours aussi sublime. La più bella » Elles ont toutes les deux beaucoup grandi, c’est évident. Mais Camélia n’a pas tant changé que ça. Même si elle garde en mémoire le visage cerné de son amie, quand elle pense à elle, c’est aux bons moments qu’elle pense et Camélia est toujours belle. Et aujourd’hui, elle l’est encore plus. « Ne dis pas n’importe quoi, tu es aussi belle que moi, si ce n’est plus. Tu aurais dû faire pom-pom girl au lycée ! » Peut-être que si elle n’avait pas mal tourné, elle aurait pu mais maintenant, elle se rattrape bien en tout cas. « Ça va beaucoup mieux. » Heureuse de l’entendre de sa bouche, elle acquiesce, contente de voir qu’elle s’en est tirée. Mais elle préfère ne pas insister, estimant que parler de cette période ne serait pas bon pour elles. « Je vais aller prendre un verre au bar, tu m’accompagnes ? J’aimerais beaucoup que tu me racontes comment tu es arrivée ici et tout ça. » Bien sûr qu’elle veut. Maintenant qu’elle réalise qu’elle n’avait pas de raison d’appréhender cette rencontre, elle ne veut plus quitter Camélia. Elle a l’impression de voir son amie de 10 ans devant elle, celle avec qui elle faisait la paire. « Non, je n’attends personne et même si c’était le cas, c’est avec toi que je veux passer la soirée. On a du temps à rattraper. » Elle préfère ne pas compter le nombre d’années et se concentrer sur le fait qu’elles soient là ce soir. Alors elles se dirigent vers le bar et Camélia prend un verre elle aussi. « Alors qu’est-ce tu fais de ta vie maintenant ? Tu as un copain je suis sûre ! Si c’est le cas et qu’il a des amis canons, faut pas hésiter à nous présenter surtout. » Oui, toute occasion est bonne… « Moi, j’étudie le droit à Columbia, j’ai fait le voyage avec mon cousin, Eduardo, tu te souviens de lui ? » Elle a envie de tout raconter, de tout demander d’un coup. Elle a peur de ne pas avoir le temps, qu’il y ait un autre problème. Pourtant, elle ne compte pas la laisser partir.

Alors qu’elle boit une gorgée de son cocktail, tout s’éteint, aussi bien les lumières que la musique. Si pendant un instant, le silence règne dans le train, la panique et les cris emplissent vite les lieux. Instinctivement, Zaira saisit la main de Camélia. Même si elle ne la voit plus, hors de question qu’elle l’abandonne. Peut-être que tout ça est prévu par l’organisateur mais rien n’est moins sûr. Et la foule commence à bouger pour essayer de sortir. Mais c’est sûrement une mauvaise idée. Si tout le monde va dans le même sens, personne ne va pouvoir avancer. « Attends une seconde Cam. » De quelques mouvements, la brune retire ses bottes – qui lui faisaient un mal de chien de toute façon – et grimpe sur le comptoir à côté d’elles, tout en s’arrangeant pour toujours toucher Camélia. Pieds nus sur le comptoir, elle ne voit rien de plus malheureusement. Elle devine quelques silhouettes en mouvement mais c’est tout. Alors elle s’assoit sur le comptoir. « Monte aussi, ça t’évitera de te faire marcher sur les pieds. » Elle ne sait même pas ce qu’elles vont attendre, sûrement que ça soit plus calme. Et une fois que son amie – oui parce que malgré tout, c’est toujours son amie – est à côté d’elle, Zaira pose la tête sur son épaule et soupire. « Si jamais on meurt ce soir, j’veux que tu saches que tu m’as manquée… et que je suis désolée. » Désolée de l’avoir abandonnée, désolée d’être sortie avec son frère sans lui en avoir parlé, désolée d’avoir mis autant de temps à revenir.

Cela faisait un bon moment que Maxime ne s’était pas autant amusé. Il ne prenait plus le temps de faire quoi que ce soir, la fatigue l’emprisonnant dans son appartement pendant des soirées entières, sans qu’il ne puisse y faire grand-chose.

Alors, il profita au maximum de cet instant. La piste de danse s’agrandissait de minute en minute et bientôt, il dut danser au milieu d’une foule presque compacte. Ses deux amies, face à lui, semblaient quant à elles dans leur monde. Elles étaient tellement proches l’une de l’autre ; Maxime savait qu’elles se feraient bientôt remarquer par les autres invités pour leur attitude presque provocatrice, mais de son côté, il s’en fichait pas mal.

Un sourire s’installa sur ses lèvres alors qu’il profitait de leur distraction pour se faufiler parmi les danseurs. Il arrêta de danser également, la fatigue se faisant déjà ressentir et ses pas l’emmenèrent non loin du bar où il trouva un siège libre. Maxime commanda un autre verre de soda et son regard se tourna vers la salle. A quelques mètres, il vit Eduardo danser – seul ? – sur la piste et il leva les yeux au ciel. Ce type ne changerait donc jamais.

Un autre sourire vint éclairer son visage lorsqu’il aperçut Hanne, magnifique dans sa longue robe bleue. Elle alla rejoindre l’italien, et c’est à ce moment-là que toutes les sources de lumière disparurent.

Il y eut un bref moment de silence, puis Maxime entendit les cris des invités apeurés. Lui-même commença à se sentir mal, l’obscurité n’ayant jamais était sa tasse de thé. Il agrippa fermement le bar des deux mains et se laissa guider par celui-ci, arrivant jusqu’au bout du comptoir. Le blond entendait et ressentait presque le mouvement de foule qui régnait à présent dans le wagon et il essaya, difficilement, de s’introduire derrière le bar, pour être à l’abri de ce chaos. Une fois sur place, il s’assit à terre, allumant son portable pour avoir un peu de lumière. Mais trop peu, malheureusement.

Maxime détestait par-dessus tout le noir et la panique vint s’installer doucement en lui.

Les lumières étaient éteintes depuis quelques minutes déjà. Après les cris de surprise vinrent les murmures. Les gens discutaient entre eux. La crainte se lisait sur les visages tapis dans les ténèbres. Pourquoi les lumières de secours ne s’allumaient-elles pas? Mille et une questions, mais aucune réponse. Un bruit sourd, un seul se fit entendre. La panique s’installa alors peu à peu. Puis, les gens, au départ tétanisés, se levèrent et commencèrent à courir dans tous les sens, se bousculant, tombant même au passage. Pourtant, il n’y avait pas mort d’hommes vous dites vous, alors pourquoi agir de la sorte? Mais vous vous trompez. Malheureusement. Un cri, un hurlement à vous glacer le sang s’élève dans les airs. Vous vous figez sur place. La rumeur commence à circuler. Un corps vient d’être découvert dans le train. Mais qui est cette personne retrouvée ensanglantée dans la réserve? Les lumières de secours s’allument alors et le train s’arrête enfin. Brusquement. Le choc vous projette même vers l’avant, vous faisant presque tomber au sol.

Quelques minutes passent et la nouvelle tombe. Vous venez à peine de retrouver vos esprits et les questions reprennent dans votre tête. C’est le chanteur du groupe qui a été retrouvé mort. Qui l’a tué? Y a-t-il un meurtrier à bord de ce train maudit? Sûrement. La panique vous donne des sueurs froides. Votre cœur bat la chamade. Tout ce que vous voulez faire, c’est quitter cet endroit. Pourquoi êtes-vous venus ici? Pour avoir du plaisir? C’est loin d’être le cas en ce moment-même. Vous regardez dehors. Il n’y a rien à des kilomètres à la ronde… Pas un son. Pas une lumière, rien que des champs et des arbres plus loin.

Mais soudain, des sirènes se font entendre dans les ténèbres. Quelqu’un a du appeler la police. Ce n’est pas trop tôt! Tout ce que vous voulez, c’est retrouver votre lit. Dormir pendant des jours et des jours et tenter d’oublier ce cauchemar. Mais pourrez-vous le faire? Après tout, les policiers auront sûrement des questions à vous poser. Et si c’était vous la cause de ce cauchemar?

Train fantôme

En venant à New York, Camelia rêvait de devenir une grande fille, de s’affirmer enfin et jusqu’à maintenant, rien de tout cela n’était arrivé. Emmerdes après emmerdes, elle n’en était que moins confiante et plus fatiguée. Elle n’osait plus, ce sentiment d’inutilité ne la quittait jamais. Et pourtant, face à Zaira, face à celle qui l’avait connu mieux que personne, elle se sentit pousser des ailes. Elle était là devant elle, alors qu’elle se sentait si seule ces derniers temps, il était hors de question de la laisser partir. Elle ne pouvait pas laisser cette chance s’échapper, comme toutes les autres avant. A son plus grand bonheur, l’italienne accepta de lui tenir compagnie pour la soirée. Rien ne pouvait la réjouir plus que cela. Alors qu’elles avançaient pour boire un verre, Zaira entama la conversation. « Alors qu’est-ce tu fais de ta vie maintenant ? Tu as un copain je suis sûre ! Si c’est le cas et qu’il a des amis canons, faut pas hésiter à nous présenter surtout. » Et merde, c’était le sujet tabou du moment. Un petit air attristé s’afficha sur le visage de la jeunefemme qui réussit finalement à prendre sur elle. «  Non personne, il y a bien quelqu’un qui me plait mais disons que je ne suis pas le genre de personne qui l’attire. Si tu vois ce que je veux dire… » Sous-entendu, il était gay. Camelia n’avait rien contre les homosexuels mais ça lui faisait toujours quelque chose d’admettre que le garçon qu’elle voulait l’était. Ce qui expliquait cette retenue sur le sujet. Elle esquissa toute fois un sourire pour ne pas inquiéter son amie plus que ça et continua de l’écouter changer de sujet. « Moi, j’étudie le droit à Columbia, j’ai fait le voyage avec mon cousin, Eduardo, tu te souviens de lui ? » Et comment. « Ça ne m’étonne pas que tu fasse des études aussi brillantes, tu as toujours été douée à l’école. Même si tu avais ton côté rebelle. » plaisanta-t-elle. « Figure toi que j’ai travaillé à New York avec ton cousin, j’ai été mannequin dans la même agence que lui pendant quelques mois. Mais j’ai abandonné, ce n’est pas vraiment mon milieu. Du coup j’ai repris mes études de littérature, avec un petit travail de serveuse dans un café très sympa. On verra bien où ça me mènera. »

Alors que Camelia s’apprêtait à tourner la tête vers son amie pour lui sourire, les lumières s’arrêtèrent brusquement.  Elle sursauta lorsqu’une personne vint la cogner dans le dos, après un mouvement de foule des plus étranges. Sans vraiment comprendre ce qui se passait, elle sentit la main de son amie l’attraper. Bien qu’elle était en mesure de la sentir bouger, elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle faisait. Ce n’est que lorsqu’elle lui proposa de monter à ses côtés qu’elle comprit. Son idée était plutôt ingénieuse, comme toujours. Elle s’exécuta alors et monta sur le comptoir, aux côtés de la jeune femme. « Si jamais on meurt ce soir, j’veux que tu saches que tu m’as manquée… et que je suis désolée. » Les yeux de Camelia s’écarquillèrent, son cœur bondit. Surprise et toujours aussi émotive, l’italienne fut reconnaissante d’être dans le noir à cet instant. Elle essuya la larme qui coula sur sa joue et s’empressa de prendre Zaira dans ses bras. Voilà qui donnait du baume au cœur. « C’est moi qui suis désolée, j’ai été vraiment idiote. Si tu savais comme je regrette. Tu m’as manqué aussi… Terriblement. »

Pensant que rien ne pourrait troubler cet instant merveilleux de retrouvailles, la jeune femme se trompait. Un cri se fit entendre, ce qui lui glaça immédiatement le cœur. Dans la surprise, elle lâcha son amie et perdit l’équilibre l’espace d’un instant. « C’est quoi ce délire ? » Avant même que son amie ne puisse lui répondre, des murmures commencèrent autour d’elle. Un mort. Un meurtre. Un chanteur. Voilà tout ce qu’elle était parvenue à entendre. Le train s’arrêta brusquement et son premier réflexe fut de tenir son amie pour ne pas la laisser tomber. Tout doucement, les lumières d’urgence s’allumèrent et de nouveau, elle fut en mesure de distinguer le visage de son amie. A l’entente des sirènes de police, Camelia resserra l’emprise de sa main sur elle, paniquée. « Toi qui fait du droit, tu sais ce qui se passe dans les moments comme ça ? » dit-elle d’une petite voix fébrile. « Non parce que clairement, je  panique là. Ça fait beaucoup d’émotions en trop peu de temps! »

CREDIT TO KAIJI

«  Non personne, il y a bien quelqu’un qui me plait mais disons que je ne suis pas le genre de personne qui l’attire. Si tu vois ce que je veux dire… » A la façon dont elle a dit ça, Zaira ne peut que comprendre ce qu’elle veut dire. Ça ne veut pas dire qu’elle comprend comment quelqu’un peut repousser son amie, qu’importe son orientation sexuelle. « Et bien, il doit être aveugle parce que même moi, j’pourrais changer de bord pour toi ! » Bah quoi ? Si Camélia était déjà superbe quand elles étaient jeunes, elle n’a fait que s’embellir depuis. Bon certes, Zaira n’a jamais pensé à son amie de cette façon et ne le fera jamais mais si elle était attirée par les femmes, aucun doute qu’elle se tournerait vers Camélia. « Ça ne m’étonne pas que tu fasse des études aussi brillantes, tu as toujours été douée à l’école. Même si tu avais ton côté rebelle. » Ça lui fait du bien de voir quelqu’un qui la connaisse autant. Malgré les années sans se voir, Camélia est encore la personne qui la connaisse le mieux. « Comment ça rebelle ? C’était toujours toi qui me faisais bavarder en classe. » Bon, ce n’est pas totalement vrai puisque les deux étaient autant pipelettes à l’école, même si ça ne les empêchait pas de travailler. « Figure toi que j’ai travaillé à New York avec ton cousin, j’ai été mannequin dans la même agence que lui pendant quelques mois. Mais j’ai abandonné, ce n’est pas vraiment mon milieu. Du coup j’ai repris mes études de littérature, avec un petit travail de serveuse dans un café très sympa. On verra bien où ça me mènera. » Etrange que son cousin ne lui en ait pas parlé. Peut-être avait-il eu peur vu les tensions entre les deux filles. En tout cas, Zaira n’avait aucun mal à imaginer son amie sur les podiums et devant les photographes, elle était sublime après tout. Mais l’italienne n’eut pas le temps de répondre que les lumières s’éteignaient et que la panique s’installait à bord du train. Sans vraiment comprendre d’où lui venait cette idée, elle monta sur le comptoir avec Camélia pour éviter l’agitation de la foule. Elle aurait voulu que rien ne vienne gâcher cette soirée de retrouvailles mais visiblement, le destin – ou le train – en avait décidé autrement. Effrayée par l’inconnu, c’est le moment que choisit Zaira pour s’excuser auprès de son amie. Après tout, elle s’en voulait terriblement de la façon dont leur amitié avait pris fin. « C’est moi qui suis désolée, j’ai été vraiment idiote. Si tu savais comme je regrette. Tu m’as manqué aussi… Terriblement. » Elle ne s’attendait pas à ce que Camélia se sente coupable aussi. Après tout, c’était parce que Zaira était sortie avec son frère sans lui en avoir parlé qu’elles ne s’étaient plus reparlées. Jamais l’italienne n’avait remis la faute sur son amie. Elle serre un peu plus fort Camélia contre elle, heureuse de la retrouver, malgré les circonstances. Et soudain, parmi toutes les voix paniquées, un cri se détacha. Elle panique et essaye de retrouver le contact avec son amie, ne trouvant que sa cuisse mais s’y agrippant tout de même. « C’est quoi ce délire ? » Elle aimerait savoir, vraiment, pouvoir les rassurer toutes les deux. Mais elle n’en sait pas plus. Il ne faut cependant pas longtemps pour que des bribes de paroles arrivent jusqu’à elles. Ça parle de meurtre, du chanteur du groupe et Zaira espère que les voix se trompent. Le train s’arrête, quelques lumières s’allument mais elle n’est pas plus rassurée. Les deux amies se serrent la main, toujours aussi effrayées par ce qui vient de se passer. Ça lui a paru une éternité et pourtant, tout a dû se passer très vite. Lorsque des sirènes de police se font entendre, elle observe enfin le wagon, tout chamboulé par ce qui vient de se passer, tout comme ses voyageurs. « Toi qui fait du droit, tu sais ce qui se passe dans les moments comme ça ? » Elle tourne la tête vers son amie. « Non parce que clairement, je  panique là. Ça fait beaucoup d’émotions en trop peu de temps! » Elle n’est pas la seule à paniquer. « Je… j’en sais rien. » Elle n’est pas en état de réfléchir. Pourtant, elle sait qu’elle doit retrouver ses esprits, que paniquer plus n’arrangera rien. « Enfin si… Je pense que la police va nous interroger, on est dans le train, on est un peu des témoins même si on n’a rien vu. » Elle n’est même pas sûre de ce qui s’est passé mais elle sait qu’en tout cas, elle ne va pas laisser Camélia seule. C’est en regardant derrière elle qu’elle remarque un homme blond assis derrière le bar. « Hey, tout va bien ? »

Train fantôme

« Et bien, il doit être aveugle parce que même moi, j’pourrais changer de bord pour toi ! » Bien que le sujet lui donnait d’ordinaire l’envie de pleurer, Camelia ne put retenir un éclat de rire. C’était probablement la meilleure réponse qu’on lui avait donné depuis qu’elle s’était vue entendre un non de la part d’Aaron. La répartie de Zaira l’avait toujours rendue admirative, et ce depuis leur plus jeune âge. Elle semblait si confiante, si forte. La jeune femme en était presque jalouse, d’une façon amicale cependant. Son amie ne lui avait jamais fait de mal, pourquoi lui en souhaiter ? « Comment ça rebelle ? C’était toujours toi qui me faisais bavarder en classe. » Les deux jeunes femmes ne s’étaient pas vues depuis des années, s’étaient quittées sur une histoire des plus tristes et pourtant, elles étaient là à se remémorer le passé, l’esprit léger. Un nouvel éclat de rire s’échappa de la bouche de Camelia. « C’est ce que tu arrivais à faire croire aux professeurs en tout cas ! » répondit-elle dans un clin d’œil amusé.

Le temps n’était cependant pas aux rigolades puisque bientôt, l’ambiance se fit de plus en plus étrange. Tandis que les lumières revenaient, l’agitation elle refit surface, accompagnée du bruit perçant des sirènes de police. N’étant pas habituée à ce genre de situation, Camelia saisit la main de son amie, prise d’une panique certaine. Les gens parlaient d’un mort, il ne lui en fallait pas plus afin d’être effrayée. Elle interrogea alors Zaira quant à la suite des événements, pensant que celle-ci serait en mesure de la rassurer. « Je… j’en sais rien. » Dans un mouvement rapide, elle tourna la tête vers interlocutrice, déboussolée par une telle réponse. « Enfin si… Je pense que la police va nous interroger, on est dans le train, on est un peu des témoins même si on n’a rien vu. » Un sentiment de stress l’envahit alors. Elle se connaissait, si on venait à lui poser des questions, elle serait tout bonnement incapable d’aligner trois mois. La panique et elle ne faisaient pas réellement bon ménage. Et ça se voyait d’ailleurs. Son esprit semblait complètement perdu, si bien qu’elle ne remarqua même pas que son amie s’adressait à quelqu’un d’autre. Prise d’un élan de sincérité, elle l’attrapa et la fit pivoter vers elle, le cœur battant à toute vitesse. « Si on a arrêté de se parler c’est pas à cause de Geremia. Tu connais pas la vérité. Je suis désolée Zaira. » lâcha-t-elle d’une voix rapide mais peu assurée. Depuis tout ce temps, il était évident qu’elle n’aurait jamais imaginé que cette révélation se fasse dans de telles circonstances. Mais elle ne l’avait en aucun cas contrôlée, c’était sorti à cet instant précis, et point barre. Se rendant compte de l’importance de ses paroles, elle baissa la tête et s’excusa de nouveau. « Je suis désolée… C'est sorti tout seul. »

CREDIT TO KAIJI

Evoquer le passé avec Camélia, elle n’aurait pas pu rêver d’une meilleure façon de passer la soirée d’Halloween. Ça lui a toujours manqué, cette époque où les deux gamines étaient tout le temps collées l’une à l’autre, même en cours. Enfin quand les profs ne les séparaient pas pour cause de trop de bavardages. Mais Zaira garde un souvenir parfait de cette époque et pour rien au monde, elle n’aurait voulu avoir une autre meilleure amie que Camélia, même en sachant comment ça finissait entre elle. Mais ce soir, elle a l’espoir que tout n’était peut-être pas totalement fini. Après tout, elles parlent comme si elles ne s’étaient jamais quittées. Mais les choses ne se passent pas exactement comme prévues et elles se retrouvent dans une situation effrayante. Plus effrayante que les soirées normales d’Halloween. Il y a eu un meurtre pendant la coupure de courant. Et si c’était tombé sur elles ? Après tout, dans le noir, le tueur ne devait pas voir grand-chose. Voyant son amie très inquiète, Zaira essaye de garder bonne figure, pour éviter que Camélia ne panique encore plus. Mais en vérité, elle n’est pas rassurée non plus. Il faisait nuit, qui sait où se trouve le meurtrier maintenant ? Il pourrait très bien être à côté d’elles. Pourtant, elle adresse quand même la parole à un inconnu recroquevillé derrière le comptoir, presque sûre qu’il ne peut pas être le coupable. Il a l’air vraiment paniqué. Mais elle n’a pas le temps d’obtenir une réponse que Camélia la fait se retourner vers elle. « Si on a arrêté de se parler c’est pas à cause de Geremia. Tu connais pas la vérité. Je suis désolée Zaira. » Surprise, l’italienne met quelques secondes à comprendre ce que son amie lui a dit. Elle ne comprend pas ce qui se passe, ni pourquoi elle lui dit ça maintenant. Elle a toujours cru que l’histoire avec Geremia avait été ce qui avait totalement mis fin à leur amitié, déjà plus que bancale à l’époque. « Je suis désolée… C'est sorti tout seul. » Zaira relève le visage de Camélia pour qu’elle la regarde. « Ne t’excuse pas, tu peux tout me dire, c’est moi. » C’est vrai, malgré les années, elle considère toujours Camélia comme son amie et des amies peuvent tout se dire. Surtout si ça concerne la chose qui a brisé leur amitié, Zaira est curieuse. « Mais qu’est-ce que tu veux dire ? Si ce n’est pas à cause de ton frère, alors pourquoi est-ce qu’on a arrêté de parler ? » Peut-être qu’elle n’avait finalement rien à voir avec la fin de leur amitié et qu’elle s’était sentie coupable pendant des années pour rien. Mais non, elle est sûre qu’elle a tout de même sa part de responsabilité dans l’histoire, rien que parce qu’elle n’a pas essayé assez fort. Elle aurait sûrement pu l’aider en insistant plus. « Et ne t’inquiète pas, quoi que tu me dises, rien ne pourra me convaincre d’arrêter de te parler. Je t’ai retrouvée, je ne te lâche plus. » Sait-on jamais que la vraie raison soit vraiment horrible, mais rien ne l’est assez pour que Zaira laisse filer sa meilleure amie à peine retrouvée.

Train fantôme

Sa mère le disait toujours, Camelia était la plus douée de la famille lorsqu’il s’agissait de garder des secrets. Avec son visage d’ange et son sourire innocent, on lui donnait bien souvent le bon Dieu sans confession. Il était donc impensable que cette jeune fille puisse cacher des choses, ou pire, mentir. Mais il faut toujours se méfier des choses, car à dire vrai, chaque être possède sa part de secret. Certains plus sombres que d’autres. Seulement voilà, se cacher n’était pas la chose la plus facile à faire et encore moins sur la longueur. Le secret de l’italienne avait pris forme il y a de cela six ans. Six ans et toujours aussi bien enterré. Quoi que, pas si bien que cela. Mentir devenait douloureux, supportable les années précédentes, mais impossible à cet instant précis. Zaira était désormais de retour dans sa vie, tout comme son mensonge qui lui revenait en pleine figure.

Ses yeux bleus rivés vers le comptoir, la jeune fille ne put que faire profil bas. La peur et l’adrénaline avaient eu raison d’elle et maintenant, la bombe était lâchée. Il n’était plus question de fuir, elle devait faire face, être forte pour une fois. Surprise, elle sentit la main de son amie se poser sur son visage, lui relevant la tête délicatement. « Ne t’excuse pas, tu peux tout me dire, c’est moi. » La voix de Zaira respirait la sincérité. Camelia le savait, tout comme elle savait que six ans plus tôt, sa meilleure amie aurait été présente et à l’écoute de la même façon qu'à ce moment. « Mais qu’est-ce que tu veux dire ? Si ce n’est pas à cause de ton frère, alors pourquoi est-ce qu’on a arrêté de parler ? »  La jeune fille ouvrit la bouche, cependant aucun son ne fut capable d’en sortir. « Et ne t’inquiète pas, quoi que tu me dises, rien ne pourra me convaincre d’arrêter de te parler. Je t’ai retrouvée, je ne te lâche plus. » La roue avait-elle enfin tourné ? Il y avait bien longtemps que Camelia n’avait pas eut la chance de compter sur quelqu’un comme elle pouvait désormais le faire avec Zaira. Mais dans le fond, c’était entièrement de sa faute. Elle qui avait caché ce si gros secret à sa meilleure amie. C'était de sa faute si elle s'était retrouvée si seule.

Camelia déglutit lentement, le regard affolé, perdu. L’agitation autour n’arrangeait pas vraiment les choses et jamais il ne lui parut si difficile de prendre la parole. C’est après un instant de silence total entre elles, qu’elle parvint enfin à parler. « Je-je… Je peux pas te le dire ici. » balbutia-elle dans un premier temps. Tout en reprenant son souffle, elle jeta des coups d’œil furtifs autour d'elles, vérifiant que personne ne puisse l’entendre. C’était plutôt absurde étant donné la situation, chacun avait mieux à faire que de soucier d’elle. « Quand on sera sorties d’ici, que toute cette histoire de train fantôme et de meurtre sera terminée, je pourrais te raconter. Mais pas ici. » Dans un élan d’affection mêlé de peur, elle se jeta de nouveau dans les bras de son amie, avant de lui murmurer à l’oreille « Sache simplement que rien n’est de ta faute. J'ai fui par faiblesse, mais c'est fini. Je suis prête à me rendre. »

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Zaira est intriguée par les paroles de sa meilleure amie. Ce qu’elle a toujours pensé être la raison de leur séparation ne l’est peut-être pas finalement. C’est comme si tout s’écroulait. Elle aurait sûrement essayé de la retenir plus que ça si elle avait su que tout n’était pas sa faute. Elle oublie tout de la situation dans laquelle elles sont, attendant la révélation de Camélia. Sa meilleure amie. Oui, même si elles viennent de se retrouver, elle continue de la considérer comme telle. Elle l’a toujours fait. Elle n’a jamais cherché à la remplacer, certaine qu’elle ne retrouverait jamais une telle complicité avec une autre personne qu’elle. La preuve, elles se sont retrouvées depuis même pas une heure et elles sont déjà aussi proches qu’avant leurs disputes. C’est tout simplement naturel avec elle. « Je-je… Je peux pas te le dire ici. » Elle tourne la tête vers les autres personnes présentes dans le train. Ça doit vraiment être gros pour qu’elle n’ose pas le lui dire en public. Zaira commence à avoir peur de ce que son amie va bien pouvoir lui confier. Mais peu importe ce que c’est, elle a promis de rester et elle compte bien respecter sa promesse. Si elle veut lui avouer juste après qu’elles se soient retrouvées, ça ne doit pas remettre en question leur amitié. Zaira l’espère en tout cas. « Quand on sera sorties d’ici, que toute cette histoire de train fantôme et de meurtre sera terminée, je pourrais te raconter. Mais pas ici. » C’est vrai, elles ne savent pas quand elles vont pouvoir sortir d’ici avec toute cette histoire. Et Camélia a piqué sa curiosité, la brune veut savoir de quoi elle parle. Pourquoi a-t-il fallu que quelqu’un se fasse tuer dans le même train qu’elles ? Enfin peut-être qu’elles n’auraient pas parlé de ça sans les événements qui ont précédé. Qui sait ? « D’accord, je peux attendre, ne t’inquiète pas. » Zaira prend la main de Camélia dans la sienne et la serre. Elle veut lui prouver qu’elle est vraiment là pour elle, que tout ça, ça n’est pas des paroles en l’air. Elle ne veut pas la perdre de vue à nouveau. Et Camélia la prend dans ses bras, geste encore plus fort. La brune caresse son dos, réalisant que son amie est vraiment paniquée. Par ce dont elle parle ou par ce qu’il s’est passé dans le train. Sûrement un mélange des deux. « Sache simplement que rien n’est de ta faute. J'ai fui par faiblesse, mais c'est fini. Je suis prête à me rendre. » Les yeux de Zaira s’humidifient. Non, elle ne va pas pleurer quand même. Elle qui n’a pourtant pas la larme facile. Mais elle est tellement soulagée de la retrouver. Elle la serre encore plus fort contre elle, en partie pour la rassurer et en partie pour qu’elle ne voit pas ses larmes. « Evite de répéter ça devant les policiers, ils risqueraient de t’embarquer. » L’humour, meilleure façon d’éviter un moment trop émouvant. Mais c’est vrai, elle a parlé de se rendre, si un policier avait entendu ça, ils l’auraient cru coupable. « Enfin je t’aurais défendue de toute façon. Tu vois comme c’est utile d’avoir une meilleure amie avocate. » Oups, on dirait bien qu’elle vient de s’autoproclamer meilleure amie de Camélia. Elle ne peut pas savoir si quelqu’un a pris sa place après tout. Enfin si jamais il y a quelqu’un, l’autre fille n’a aucune chance. Elle finit par rompre leur étreinte après avoir rapidement essuyé ses yeux. Mais elle sait que Camélia va remarquer ses yeux mouillés. « J’aimerais tellement qu’on puisse sortir d’ici rapidement. »