The Carling. Un bar bien connu de tous les étudiants à Oxford. Une ambiance cool, de la musique sympa et de l’alcool en veux-tu en voila, c’était tout ce dont les jeunes avaient besoin. Si l’ancienne Lucy aurait certainement raisonné là-dessus en démontrant à la première personne qui passait par là à quel point c’était idiot, la nouvelle ne se posait pas de question. Elle se trouvait dans le fumoir, une cigarette à la main, une Margarita dans l’autre. Elle parlait avec animation à d’autres étudiants qui étaient dans sa classe de français et qui essayaient de comprendre comment ça se faisait qu’elle parle un français avec un accent français et un anglais avec un accent anglais. « Ecoute, mon papa est anglais, et j’ai toujours parlé avec lui dans cette langue, et ma maman et française et j’ai vécu en France jusqu’à mes 18 ans. Donc c’est normal. Tu comprends ? » Elle éclata de rire devant sa tête, alors qu’il essayait de réfléchir. Il était complètement bourré, il était 21h : la soirée commençait. Elle était venue pour monter sur scène, toute seule avec sa guitare, à la bonne franquette. Elle aimait beaucoup le public du Carling même si en général elle se débrouillait toujours pour ne pas se souvenir de sa prestation, trop d’alcools et de drogues dans le sang n’aidaient évidemment pas. Elle devait passer vers 22h30, elle avait encore un peu de temps devant elle. Tant mieux. Elle vida d’un trait son verre et se dirigea vers le bar pour commander la même chose. Son nouveau verre à la main, Lucy s’approcha d’un groupe de jeunes hommes qui entretenaient une conversation animée. L’alcool commençait à lui monter un peu à la tête. Elle entra dans le cercle et leur dit bonjour. Quelques uns d’entre eux étaient particulièrement mignons, notamment celui qui se situait juste à sa droite. Il était grand, brun et avait les yeux verts. Parfait. Au moment où elle allait engager la conversation, Lucy entendit qu’on criait son nom. Qui l’appelait ? Et pourquoi MAINTENANT ? Les gens ne comprenaient décidément pas qu’il y avait des moments pour tout et que celui-ci était un moment drague. La jeune fille se retourna lentement. John. Super. Un de ses nombreux ex, une erreur, qui était persuadé que la formule « mais on reste amis » était à prendre au pied de la lettre. « Hey John ! Qu’est-ce qui t’amène ? » Il partit alors dans une grande tirade sur les groupes qui jouaient. Lucy savait pertinemment qu’il n’était venu que pour la voir, mais fit semblant de ne pas s’en rendre compte, pour ne pas s’attirer plus d’ennuis que nécessaires. Le jeune homme qu’elle avait repéré quelques instants plus tôt arriva alors à son côté, et l’embrassa. Elle vit alors le visage de John se décomposer. ‘Dommage Darling’ pensa-t-elle. Le jeune homme s’appelait Colin et ne l’avait embrassé que parce qu’il avait entendu la litanie de John comprit-elle lorsqu’il lui présenta son petit ami. Dommage. Il n y avait vraiment aucune justice en ce monde. 22H30. C’était à elle. L’esprit embrumé, elle monta sur scène. Lucy était toujours meilleure bourrée. On lui avait toujours dit. Peut être parce que l’alcool effaçait les dernières traces de l’ancienne Lucy en elle. Peut être que l’alcool lui enlevait tout le stress qu’elle pouvait avoir. Peut être, simplement, que c’était une fausse impression due à un public dans le même état qu’elle et donc incapable de juger quoi que ce soit. Elle attrapa sa guitare et monta sur scène. Elle ne voyait qu’une gigantesque masse noire devant elle. Elle avait une demi-heure et n’avais évidemment pas préparé de programme. Elle joua d’abord quelques compositions, connues par un public qui la voyait assez souvent sur scène. Enfin, elle joua quelques chansons qui lui apparaissaient comme cultes : Lucy in the sky with diamonds, que son père lui chantait, petite, ou Knockin’ on heaven’s door. La jeune fille descendit de la scène et se dirigea directement vers le bar. « Une tequila sunrise s’il vous plaît, histoire de changer un peu. Bien que soit dit en passant je préfère les Margaritas ! » dit-elle d’un ton enjoué au barman qui la regarda d’un air étrange. La jeune fille le fixa un bon moment avant de comprendre qu’il se fichait simplement de ce qu’elle venait de dire. Elle lui jeta alors un regard incendiaire et essaya de retrouver son ami, il était peut être bi après tout. Comment s’appelait-il ? Ben ? Bob ? John ? Ah non, pas John, lui c’était le gros relou. Colin. Il s’appelait Colin. Mais il avait disparut. La jeune fille finit son verre en faisant le tour de la salle à la recherche de quelqu’un avec qui elle pourrait parler. C’est alors qu’elle vit une jeune fille qu’elle avait l’impression de connaitre. Elle était petite, blonde et avait une tête de frenchie. Lucy l’avait déjà vue, en France, elle en était quasiment sure. Au Gibus, si elle se souvenait bien, un jour où elle avait fait un concert avec son groupe de l’époque. Encore quelqu’un qui ne devait se souvenir que de la sage Lucy qu’elle avait été. La jeune fille était incapable, comme pour Colin quelque temps plus tôt, de retrouver son nom. Elle la fixa quelques instants. Victoire. Elle s’appelait Victoire. Lucy s’approcha d’elle. « Salut ! Tu te souviens de moi ? Lucy ! On s’était vues au Gibus… » Lucy eut alors un énorme doute. La jeune fille n’était peu être pas Victoire finalement. Elle ne savait plus du tout. La salle tournait autour d’elle. Elle avait trop bu. Encore une fois. Elle ne pouvait pas s’empêcher. Pourtant elle tenait mal l’alcool. Elle le savait. La jeune fille en face d’elle, qui qu’elle soit, devait se demander pourquoi elle souriait béatement comme ça mais elle ne s’en rendait même pas compte. Elle se dirigea vers le bar, sans attendra la réponse à sa question, s’assit et demanda un verre d’eau. « Finalement, vous aviez raison » dit-elle au barman « la tequila sunrise c’est meilleur ! »

ok by Dylan