« Lila, il faut que je te parle… Je… j’ai encore rêvé d’Ethan cette nuit. » Ces mots sortant de ma bouche me paraissent étranges. J’évite d’en parler le plus souvent possible, trouvant à chaque fois quelque chose pour changer de conversations. Et ça, Lila le savait bien. Je l’aime beaucoup. Malgré notre différence d’âge, j’ai l’impression qu’elle est bien plus mature que certains élèves de mon année. Il m’arrive d’être agressive avec elle, et dès que je le suis, je m’en veux énormément. A l’expression de mon visage, Lila comprit que quelque chose n’allait pas. « Et que se passe-t-il dans ton rêve ? Tu t’es endormie tout à l’heure sur le canapé, et j’ai vu que tu en rêvais encore. Tu rêves beaucoup de lui encore, n’est-ce pas ? » Ce que j’aime chez Lila, c’est qu’elle anticipe ce que je veux lui annoncer, pour que soit moins difficile pour moi par la suite. « Tu as tapé en plein dans le mille, comme souvent. Excuse-moi, je ne sais pas que je parlais en rêvant. En fait, je revois le moment où mes parents m’annoncent la mort de mon frère. La scène se répète indéfiniment dans mon esprit, c’est vraiment horrible. Je n’arrive pas à tourner la page. Mais je t’en prie, n’en parle à personne. Je sais que je n’ai pas besoin de te le dire, car je te fais vraiment confiance mais ça me rassure, c’est peut-être débile, mais c’est comme ça. » Une petite larme coule sur mon visage, et d’un coup c’est la fontaine ! Je n’aime pas être comme ça. Ma pauvre Lila, elle ne doit pas trop savoir quoi faire… C’est la première fois qu’elle me voit pleurer. « Tu sais, si tu me racontais ce qu’il s’est passé, peut-être que tu te sentirais mieux. » Elle n’avait pas tort, j’ai vraiment besoin de me libérer, de me laisser aller et de dire tout ce que j’ai sur le cœur. « Mais c’est tellement injuste ! Il n’avait rien demandé, absolument rien. C’était un treize septembre vers vingt-deux heures. La route était praticable, et d’apparence sans aucune dangerosité. Il rentrait de l’université. Il avait un projet avec quelques amis qu’il dût terminer. Au carrefour, un camion n’est sorti de nulle part. Les freins étaient défectueux et le chauffeur a perdu le contrôle de son véhicule qui frappa de plein fouet la voiture d’Ethan. Tout se jouait à quelques secondes, quelques malheureuses secondes, tu t’en rends compte ? Il aurait suffi qu’il démarre sa voiture une dizaine de seconde plus tard, et il aurait échappé à la catastrophe. Ca s’est passé très vite, il était mort sur le coup. Pas de souffrance. J’essaye de m’apaiser l’esprit en me disant qu’il n’avait ressenti aucune douleur, mais ça ne m’aide pas beaucoup à vrai dire… On apprit la nouvelle au petit matin, la violence de l’impact l’avait rendu méconnaissable, ils l’ont identifié grâce à sa carte étudiante dans son portefeuille… Tu n’imagines pas à quel point ça me hante, et j’essaye de le cacher le plus possible. Tu ne peux pas imaginer la douleur que ça te fait, un manque que tu ne peux pas combler, que tu ne pourras plus jamais combler. Je garde toujours sur moi une photo de nous deux, pouvant la regarder pendant des heures et des heures quand je n’arrive pas à dormir par exemple. Tu es la première personne à qui je raconte l’histoire entièrement… » Et ben, on ne pouvait plus m’arrêter maintenant. J’étais affreuse ! Mon mascara dégoulinait et laissait des traces horribles sur mes joues. J’ai honte de moi-même. Je ne sais pas combien de temps on a discuté, mais je me suis sentie plus légère, un peu mieux. Lila esquissa un joli sourire, juste avant de me prendre et de me serrer dans ses bras.

RETOUR EN ARRIERE :

« Félicitations, c’est une fille ! » annonça l’infirmière un trente et un décembre. Ma mère se souvient encore de tous les détails de ce moment, ce moment où une femme donne la vie à un petit être tout mignon. Elle pensait à moi, et à Ethan aussi. Ca doit être bien difficile le fait qu’un enfant meurt avant ses parents. Ma peine est déjà grande, je n’arrive pas à imaginer la leur. Elle était plantée là, devant moi. « Tu sais ma puce, tu n’imagines pas notre bonheur quand nous avons reçu la lettre de BeauxBâtons pour ton frère. Il était si heureux, ses yeux brillaient, il y avait cette lueur qui faisait qu’il était si particulier. Et puis ensuite nous t’avons eu toi. Une petite fille en plus, c’était vraiment un cadeau magnifique. Un deuxième enfant dans la famille. Ton enfance s’est plutôt bien passée, n’est-ce pas ? Tu as toujours eu ce que tu voulais, et en plus de ça, tu es très intelligente, ce qui est un bon atout. En regardant tes yeux, j’ai l’impression de voir ton frère, la même lueur qui brille. Et puis, un été à l’âge de neuf ans, on reçut ta première lettre, celle qui officialisait ton entrée dans le monde des sorciers. Merveilleux, non ? Tu étais toute aussi excitée qu’Ethan lors de ses premières courses. Elèves modèles, nous n’avions rien à vous reprocher. C’est vrai, vous aviez un très bon parcourt et des rêves plein la tête. Ton frère voulait devenir médicomage, et il aurait pu être un très grand médicomage. Arrivée à l’académie, nous correspondions souvent toutes les deux en s’envoyant des lettres par hiboux. Tes lettres sont toutes précieusement rangées. J’adore les lire. Nous vous avons appris à toujours parvenir à vos fins, et ça marchait bien. Même si ton comportement t’a donné des problèmes avec des professeurs ou des élèves, on ne peut rien te reprocher. Je n’étais pas mieux que toi à ton âge tu sais ? Avec ton père nous faisions les quatre-cent coups ! Nous nous sommes rencontrés à Beauxbâtons d’ailleurs, qui sait, tu y trouveras peut-être l’amour ? Et dès que ça arrivera, tu auras des projets plein la tête, des projets que ton frère n’a pas pu mettre en place. Alors s’il te plaît, fais tout ton possible pour atteindre tes objectifs. Tu es parfois invivable, mais essaye de te contrôler tout de même. Tout ce que tu fais c’est pour avoir un avenir confortable. Ethan ne peut plus à présent réaliser ses rêves. Alors je t’en prie, ne te laisse pas abattre au moindre petit problème, profite de chaque instant au maximum ton père et moi serions déjà très très fière de toi. Fais attention, ne t’embarque pas dans des situations dangereuses. »
Maman, je t’en supplie, arrête de pleurer, pas devant moi. « Ne t’inquiète pas pour tout ça, je t’aime »

PRESENT :

A chaque fois que je reviens à Beauxbâtons, je ressens ce petit picotement au ventre. Un picotement de plaisir. J’allais enfin revoir mes amis. Ma deuxième famille. Un réel bonheur. Bien que certains cours sont ennuyants, c’est une étape importante de la vie et c’est comme ça. Je profite de la vie, et j’essaye de voir les bons côtés. Je ne suis pas un ange, je le sais. D’ailleurs ce matin j’ai fait la misère à cette fille. J’ai perdu la photo de mon frère et moi et évidemment je me suis retrouvée dans tous mes états, encore plus énervée que jamais. En réalité, cette petite garce me l’avait volée, à une pause entre deux cours. Pas mal de personnes sont au courant de mon histoire, mais très peu prennent le risque de m’en parler. Encore heureux. Mais elle, elle insista, se moquant ouvertement de moi. Elle ne savait pas de quoi elle parlait, elle n’avait pas le droit de se servir de mon frère contre moi. C’est dégueulasse. Pendant qu’elle tournait le dos, j’ai trafiqué son chaudron au cours de potion de sorte qu’il se passe quelque chose de bien embarrassant. Cette séance était réputée pour être la plus simple, donc ne pas la réussir aurait été une honte. Et puis, la pauvre fut vraiment amochée après la légère explosion. Pauvres cheveux blonds, tu n’as plus qu’à mettre de l’engrais pour la repousse. Elle a touché un point sensible et je vais le lui faire regretter. On ne s'amuse pas de la mort d'une personne ainsi. Elle n'a que ce qu'elle mérite. Evidemment, j'ai eu le droit à quelques heures de colles en retour,mais franchement ça valait le coup! Je ne comptais pas me cacher, tout le monde savait que c'était moi, je me serais même dénoncée histoire de savourer encore plus ce moment. La tête qu'elle faisait était tout juste énorme, mémorable, inoubliable!

ok by Dylan