→ La bibliothèque.
Ce n'était pas l'endroit de l'institut qu'Ilyas préférait le plus. En fait, il n'y avait pratiquement jamais mit les pieds. Certes, il s'y était aventuré deux ou trois fois dans le passé pour se cacher d'un professeur qui cherchait à l'attraper - parce que quelle personne saine d'esprit penserait à le chercher lui, Ilyas Sauzay, dans une pièce pleine de livres et destinée au savoir ? - mais c'était bien tout. Il ne connaissait rien de cette pièce. Ni l'état déplorable des livres de magie noire, ni celui des étagères couvertes de sang, ou de l'atmosphère qui y régnait, sinistre et lugubre. La seule chose qu'il savait sur cette pièce, c'était qu'elle était gardée par un minuscule troll qui était rarement de bonne humeur la journée, et qu'elle était plutôt vaste. Rien de plus.
C'est donc avec un peu d'appréhension qu'il avait accepté de relever le défi que Lola lui avait lancé quelques heures plus tôt. Il était sensé aller voler un livre, et le lui rapporter au plus vite, c'était ça le deal. Il avait pensé refuser, il l'avait sérieusement envisagé. Après tout, la bibliothèque n'était pas si loin de la salle de torture, et pour une fois qu'il n'était pas obligé d'y rester cloîtré la moitié de la nuit, il aurait préféré faire quelque chose de bien plus intéressant. Aller voir s'il y avait une place dans le lit de Khan, par exemple. Seulement, les railleries de son amie l'en dissuadèrent. Non, il n'était pas un véracrasse, et puis si cette escapade lui causait des ennuis, tant pis ! Il avait vu pire, pas vrai ? Il avait toujours vu pire.

Il était près d'une heure du matin. Ilyas avait attendu un moment à l'étage des Pouloudnistas que tout le monde soit couché. Lola avait fait le mur, et l'avait rejoint, tout comme Jedediah, qui avait refusé d'aller se coucher. Après tout, il faisait ce qu'il voulait non ? Et puis, c'était toujours sympa de retrouver ses deux amis les plus proches en rentrant d'une expédition pareille... Au fur et à mesure qu'il descendait dans les entrailles du château, Ilyas fulminait pourtant de plus en plus contre son amie. Et puis, pourquoi elle avait besoin de ce livre d'abord ? Elle aurait pas pu lui demander quelque chose de plus simple, comme lancer un maléfice de Jambencotton à Krushnic ou quelque chose du genre ? Non, bien sûr. Il fallait toujours qu'elle lui trouve un défi ridicule. Et puis, il était sûr qu'elle n'avait juste pas envie d'aller chercher ce livre elle-même, en plein jour. Elle devait avoir peur du troll. Descendant dans la trappe, Ilyas eût un petit rire discret. Oui, c'était sûrement ça. Elle avait peur du troll.
Avec l'aisance de l'habitude, le brun emprunta un chemin qu'il connaissait bien, et qui amenait à la salle de torture si l'on continuait. Seulement, pour une fois, il s'arrêta après quelques pas. L'endroit semblait désert. Pas une âme qui vive dans les environs. Tant mieux. Prenant une courte inspiration, il poussa la lourde porte de la bibliothèque, et la referma derrière lui. Il murmura un simple lumos, et regarda autour de lui. Il n'était pas sortit d'affaire. La salle était aussi grande qu'elle sentait le troll, et ce n'était pas peu dire.

« Grandeur et décadence de la magie noire, grandeur et décadence... murmura-t-il pour lui-même, s'approchant des étagères. »



Il y avait tellement de livres dans cette pièce qu'il en aurait sûrement pour toute la nuit, se dit-il avec amertume. A la lumière de sa baguette, il recherchait le fameux livre, prenant son mal en patience. Il n'était qu'une heure, il avait largement le temps. Prit d'une illumination, il appela le livre avec un sort d'attraction. Sans succès. La salle devait être protégée contre ce type d'enchantement, de façon à embêter les élèves encore un peu plus, et à leur faire perdre un temps que la plupart n'avait pas. Soupirant, Ilyas se remit à chercher.

C'est là qu'il remarqua quelque chose d'étrange.
Là, derrière cette étagère, il y avait un fond blanc comme neige. Il n'était plus gris, la couleur uniforme de cette pièce délabrée, mais blanche. Comme pure. Prit d'un élan de curiosité, Ilyas se recula, cherchant du regard un moyen simple d'atteindre le mur. C'était probablement ridicule, il n'y avait rien derrière cette étagère de gros livres, mais il voulait en avoir le cœur net. Quitte à perdre du temps. Il n'y avait alors qu'une façon d'y arriver. Bouger l'étagère.
En tirant le meuble aussi fort qu'il le put, Ilyas se bénit lui-même d'avoir eût la bonne idée de faire de la musculation pendant les six dernières années. S'il ne l'avait pas fait, il aurait probablement mit un temps fou à déplacer le vieux meuble. Là, il ne mit qu'une dizaine de minutes. Essuyant ses mains étrangement teintées de rouge sur son jean sans vraiment y prendre gare, Ilyas regarda le mur, surprit. Enfin, il regarda l'endroit où il y aurait normalement dût avoir un mur. A la place, se tenait une porte. Une vielle porte, en bois, avec les jointures rouillées, sûrement par le manque d'utilisation. Et elle était blanche. D'un blanc immaculé qui jurait étonnamment avec l'endroit.
La curiosité est un vilain défaut lui avait souvent répété sa mère. Pourtant là, elle le contrôlait tout entier.
Alors, sans vraiment hésiter, il s'avança vers la porte, tourna la poignée, et l'ouvrit.
Il y eût un long grincement. Une bouffée d'air sale et poussiéreux. Une odeur étrange aussi, comme de l'argile. Et les lumières s'allumèrent d'elles-même, poussant un peu plus sa curiosité. Il fit un pas en avant, et la porte se referma un peu, trop peu. Ilyas était rarement étonné. Ou plutôt, il était rare que l'on puisse lire l'étonnement sur son visage. Pourtant là, si quelqu'un l'avait observé, il ou elle aurait pût clairement déclarer qu'il était étonné. Impressionné même. La pièce dans laquelle il se trouvait semblait ne pas avoir été visitée depuis un sacré bout de temps. Des décennies, probablement. Ses quelques pas avaient laissés des traces sur la poussière incrustée sur le sol. Des toiles d'araignées balayaient l'air, le plafond, et chaque centimètre carré qu'elles avaient pût investir, ainsi, Ilyas en eût plein les cheveux. Mais le plus étonnant, c'était quand même de quoi cette salle était remplie.

Des statues. Des centaines, des milliers de statues. Des bustes, des visages, des statues entières, armées jusqu'aux dents, à l'air doux ou féroce, qui avaient toutes le visage tourné vers l'entrée. Vers lui.
Si Ilyas avait été quelqu'un de peureux, il se serait probablement enfui à toutes jambes. Seulement, la peur n'était pas vraiment une partie prédominante de son caractère. Non, lui, était plutôt du genre curieux. Alors il s'avança, encore. Il s'avança vers les statues, l'air détendu, interloqué, comme s'il visitait un musée. Il se pencha sur le buste d'une femme plutôt jolie avec un air amusé, se tourna vers une statue d'à peu près sa taille, d'un homme qui tenait une lance. Il mit un doigt sur le bout de la lance, et retint un juron. Par la barbe de Merlin, ça piquait vraiment ce truc !
Cette pièce était étrange. Bien trop étrange. Au fond de lui, il savait bien qu'il devait s'en aller. Ne pas rester ici. Cette salle avait quelque chose de lugubre. De malfaisant, même, et c'était beaucoup dire puisqu'il vivait dans ce château depuis cinq ans maintenant. Et pourtant, elle était intrigante. Sans savoir pourquoi, on avait envie d'y rester, d'y rester pendant des heures, pour observer toutes ces sculptures.
Mais Ilyas suivit son instinct premier, et se dirigea vers la porte. La main sur la poignée, il se retourna, pour un dernier regard, et se stoppa net dans son mouvement.

L'homme avait bougé.
Il avait bougé, Ilyas en était certain. La baguette à la main, il laissa la porte, et se ravança de quelques pas. L'homme qui tenait la lance droit contre lui quelques instant auparavant la brandissait maintenant, droit vers lui.

« Qu'est ce que... »



Ok. Là, ça devenait vraiment bizarre.

→ check par j.