→Le jeune homme était particulièrement stressé quand il arriva devant l’ancien abattoir désaffecté transformé en galerie. C’était la seconde fois qu’il faisait une exposition dans celle-ci. Le directeur de la galerie avait été impressionné par la qualité artistique des toiles du jeune artiste, la Vanité en revenait presque au goût du jour. Lucas commençait à se créer un nom, il espérait juste qu’il ne soit pas une mode parmi tant d’autres. La première exposition avait été faite avec un autre artiste, Samuel McKelhann. Qu’il avait été fier de voir afficher son nom sur la devanture « LUCAS EROS NIKITA » il avait aimé faire ressortir son prénom grec, il le devait bien à ses défunts parents. L’exposition avait eut énormément de succès, malgré l’aspect macabre de celle-ci, entre candélabre et tapis de velours rouges. Il y avait de quoi faire peur à un fantôme lors du vernissage. C’est ainsi qu’il fut recontacté pour en faire une à son nom unique. Cet été Lucas terminerait sa thèse en art et après sa soutenance, il espérait ne pas devenir l’artiste fauché comme l’était 85% des membres de cette profession. Le grec avait tout de même quelques projets qu’il gardait secret, il en parlerait un jour à Charlie.

Cette seconde exposition se nommait « End of All Days », depuis qu’il avait eut quelques réminiscences de son agression, la Vanité avait été son seul moyen d’expression, il avait vécu reclus dans son petit appartement qui lui servait aussi d’atelier et il avait créé de nombreuses toiles. Le thème était principalement la douleur, chaque peinture, chaque coup de pinceau, chaque couleur était l’expression de son tourment actuel. Il avait peur aussi de perdre Charlie à cause de son jeune âge et que ce quarantenaire se désintéresse totalement à lui. Son patron avait tellement de charme, il avait ce ressentiment de ne pas être à la hauteur, lui avec son corps maigrichon et cet air parfois timide qu’il portait. Pourtant il lui avait promis de venir ce soir.

Aussi étonnant soit-il, il avait fait totalement dans le blasphème, une de ses toiles représentaient une femme en tenue de soirée crucifiée par ses louboutin, la couronne d’épines était une rivière de diamants et la croix était faites de néon, ce tableau se nommait « Ligths Woman ». Les gens aimaient tellement s’enfermer dans leur superficialité qu’ils en souffrent eux même. La toile la plus impressionnante de toute l’exposition était celle dans le fond, celle qui faisait 2m sur 3m, gigantesque, il avait peint exceptionnellement cette toile sur le toit de son bâtiment et il devait la bâcher pour éviter que du mauvais temps ne la détériore, il ne savait même pas comment la ranger à la fin de son exposition. Cette toile se nommait « danse macabre », il n’avait jamais été autant travaillé sur les détails d’un corps humain, un jeune garçon qui était entouré par un cercle de feu. Un feu intense, un feu écarlate le fond était noir, les ténèbres étaient présents pour lui et l’enfermaient, le bouclaient dans son sombre dessein. Ses poignets et ses chevilles étaient entourés aussi de ses mêmes flammes. Son corps était si beau totalement nu, totalement désincarné, une beauté si profonde, si intense et pourtant inaccessible. Quand il eut terminé au petit matin, il était si épuisé qu’il avait faillis dormir deux jours. Lucas avait cette fois voulu du lumineux, du désaffecté, que les lieux soient honorés, il avait exigé de grands rideaux qui descendent du plafond et aussi des guirlandes lumineuses le long des balustrades des parties supérieures de la galerie. Il voulait du classe, du confiné, afin de mettre beaucoup plus en avant l’aspect macabre artistique de la vanité. Le résultat en était encore une fois effrayant. Lucas aimait le glauque qui attire le regard, comme le film d’horreur que l’on regarde, dont on ne peut détourner les yeux.

Il avait invité les habituels, Kristopher, Aaron, Callie, Charlie, Alexander et aussi Sheldon qui était venue voir la première exposition. Une femme étonnante et dont le souvenir qu’elle laissait était étrange, mais une bizarrerie agréable. Il y avait aussi des amateurs d’arts, des contemporains, des critiques et des journalistes. Sûrement son exposition la plus importante de toute sa vie qui pourrait marquer le début de sa carrière. L’artiste torturé qu’il était fit son discours au début du vernissage, expliquant quelques inepties que lui avait demandées le directeur de la galerie pour faire un peu de pub, il était rouge tout du long et quand il vit Charlie arriver et lui faire un visage rassurant, il en fut ravis. Il savait qu’il ne resterait qu’une petite heure. Il discuta avec de nombreuses personnes avant que Charlie ne le subtilise dans un coin discret de la galerie pour l’embrasser avant de le quitter, il profita quelques instants de ses bras avant qu’il ne s’évanouisse dans la foule. Le directeur annonça alors aussi surprenant soit-il que la toile « danse macabre » avait été vendu et dans l’intégralité de ses cinq milles dollars. Le jeune Nikita avait trouvé ca trop élevé mais le directeur avait exigé des prix plus conséquent pour chacune des toiles. Il s’avança alors vers celle-ci, voulant être un peu seul, il lui était si étrange qu’il ne la revoit peut-être plus, ému qu’elle ne fasse déjà plus partie de sa vie.