→ « Hum, d'accord, comme vous voulez. Bien à demain. » Et elle ne l’avait plus revu de l’après-midi. Silena ne comprenait pas souvent le comportement des hommes et quand il s’agissait de comprendre Carter, elle avait abandonné depuis longtemps. Cet homme, bien que totalement sexy, était le summum de ce qu’elle pouvait détester chez un homme. Mais il restait sexy et cela posait bien problème, parfois. Combien de fois s’était-elle retrouvée avec des collègues pour le déjeuner et que la conversation déviait sur le fait qu’elle avait un assistant plus que canon ? Trop, bien trop pour les nerfs de Silena qui n’en pouvait plus d’entendre ses amies lui dire que vraiment, Carter devait être un bon coup. Elle était mariée. Mariée à un imbécile violent mais mariée. Et s’il y avait bien une chose qu’elle devait retenir de l’éducation qu’elle avait reçu, c’est qu’on ne divorce pas pour l’honneur de la famille. Alors tromper son mari, Silena était sûre qu’elle finirait en enfer.

Dix-neuf heures et pourtant, elle était assise-là, à même le sol de sa chambre tout en réfléchissant très sérieusement à ce dossier. Mme Harrison. Une simple employée qui n’aurait jamais dû avoir Silena comme avocate pour divorcer. Mais Silena, au vue de la situation, n’avait pas pu laisser passer. Est-ce que vraiment, elle allait laisser le mari de cette femme partir avec les enfants sous prétexte qu’il avait un meilleur avocat qu’elle ? Non. Et Silena était tenace, elle lui avait promis que tout se passerait bien. Elle avait besoin d’une histoire qui finisse bien. Mais pour cela, fallait-il encore qu’elle s’en sorte avec ce dossier. Et c’était loin d’être gagnée. Elle savait, au fond, qu’elle avait bien besoin d’un coup de main sur ce dossier mais de là à l’admettre ouvertement… Et sa meilleure amie étant en vacances, Silena n’avait personne vers qui se tourner pour un petit coup de pouce. Sauf… Carter. Mais l’idée-même de se pointer chez lui pour lui demander de l’aide la désespérait profondément. Non, elle ne ferait pas ça, si ?

Et pourtant, après presque trois quart d’heures à tergiverser, Silena était devant sa porte, son dossier à la main. Elle avait toute une stratégie en tête, pour ne pas admettre qu’elle avait vraiment besoin d’aide. Oui, c’était difficile à admettre pour elle, encore plus devant Carter. « Madame, mais qu'est ce que vous faites ici ?! » Tout son discours si bien préparé dans la voiture s’étrangla dans sa gorge sous l’effet de la surprise. Elle avait déjà eu un peu de mal à traverser le quartier sans avoir l’impression qu’elle allait se faire assassiner d’un instant à un autre mais là… Carter était devant elle, à moitié nu et à moitié ensanglanté. Et honnêtement, elle ne savait pas lequel des deux était le pire. « Je… Je peux repasser si je vous dérange ? » Dans votre meurtre ou quoique ce soit d’autre. Mais vraiment, après l’état du quartier qu’elle avait traversé, elle s’attendait à peu près à n’importe quoi. « Entrez, je vous en pris. » Silena fronça les sourcils, soudainement beaucoup plus réticente à entrer dans l’appartement. Elle était comme ça Silena, un instinct de survie parfois un peu trop surdéveloppé. Néanmoins, elle comprit rapidement la situation en voyant une assiette fracassée au sol. Entre ça et l’horrible bordel dans l’appartement, Silena en avait déjà des migraines. « Je comprends mieux l’état de votre bureau maintenant. » Parce qu’en trois mois, Silena avait tenté, en vain, de lui faire ranger son bureau. Elle avait vraiment tout essayer, en passant de la gentille demande à l’énervement en jetant la moitié de son bureau à la poubelle pour qu’il réagisse. Et ça l’avait fait rire, lui…  Silena posa son dossier sur ce qu’elle estimait être le coin le plus propre aux alentours avant  de s’avancer vers Carter et de prendre sa main dans la sienne. Elle remarqua bien son air un peu surpris qu’elle coupa aussitôt « Mes parents sont médecins, je m’y connais un peu et je ne tiens pas à avoir un assistant encore plus incapable qu’il ne l’est déjà. » Elle l’avait dit sur un léger ton amusé, parce qu’il était dix-neuf heures et que oui, elle ne passait pas sa vie à être froide avec Carter. C’est donc avec minutie qu’elle observa la main de Carter avant de l’entraîner sans ménagement jusqu’à l’évier pour rincer le sang. « Je pense pas que vous ayiez besoin de points de suture. » Elle lâcha sa main avant de retourner vers son dossier, reprenant les choses sérieuses. « Bon, comme vous vous doutez bien, je viens pas ici pour vous éviter de vous tuer mais surtout parce que j’ai entendu dire que vous étiez sur du pénal et que… forcément, je me doute bien que vous ne savez pas faire. » Quoi ? Silena, l’art de mentir et de raconter n’importe quoi pour se sortir des situations qu’elle n’aimait pas. Et ça ne la dérangeait pas le moins du monde.  « Et comme vous êtes mon assistant, paraît-il, j’aimerai bien que vous jetiez un coup d’œil sur le dossier de Mme Harrison, histoire de me dire ce que vous en pensez… Pour…Pour développer votre esprit critique. » Elle nageait en plein mensonge, c’était incroyable mais elle plongea son regard dans celui de Carter, un peu troublée de se retrouver ici et encore secouée par cette journée assez émotive. Mais bon, son mari était à Kiev pour deux semaines, elle aurait le temps de penser à autre chose le temps de son voyage.