Irina était exactement le genre de personne que Paige cherchait à éviter à tout prix. En général, ces filles-là, les « reines de glace » comme elle les surnommaient, était pleines de failles et de secrets de famille, sur lesquels il valait mieux éviter de tomber. Aussi, la bibliothécaire ne répondit rien et se contenta d’avancer, cheville liée à celle d’Irina, les yeux regardant un peu partout, puis sur la liste, pour s’assurer qu’elle avait enregistré tous les objets qu’il leur fallait. Elle leva les yeux au ciel. Franchement, si elle avait pu, elle se serait contentée de répondre un « non » poli au type qui l’avait attachée avec cette fille, et de secouer sa jambe pour la libérer de l’emprise de leur lien.
Il n’y avait guère plus stupide que ce jeu, à son humble avis. Mais maintenant qu’elle était là, et étant donné qu’Irina s’était déjà lancée à la recherche des éléments qui leur manquaient, il n’aurait guère été poli de la laisser seule au milieu de cette fête foraine. Et aussi antipathique que pouvait sembler la brune aux yeux de Paige, celle-ci n’était pas du genre à faire faux bond, quelle que soit la personne.

Elle fut tirée de ses pensées par la voix de cette Irina, qui lui répondit par l’affirmative lorsqu’elle parla de la peluche. Paige lâcha un soupir intérieur de soulagement, visiblement elles seraient tout de même capable de s’entendre sur les points élémentaires de ce jeu ridicule. C’était toujours ça de gagné.
Sa coéquipière s’arrêta au niveau d’un petit garçon, à qui elle chipa la glace à cinq boules. La jeune rousse détourna le regard. C’était une chose de faire partie d’un jeu, c’en était une autre de voler une glace à un gamin. Néanmoins, elle ne dit rien et hocha la tête lorsque sa partenaire fit un commentaire sur la glace qui allait fondre. Elle regarda un instant ses habits, qui étaient presque aussi vieux que le monde, et haussa les épaules avant de prendre la parole. « Je peux tenir la glace, si tu veux. Mes vêtements ne valent pas grand-chose, et les tiens ont l’air plutôt chers. Ca ne me dérange pas, et si ça peut t’arranger… »

Elle laissa traîner sa phrase, les yeux enfin levés vers Irina. Son visage était comme un masque, impénétrable et neutre. Paige ne savait pas à quoi elle s’était attendue : des cris de joie ? Des félicitations ? Une médaille ? C’était bien là l’attitude typique de la bibliothécaire, elle cherchait à tout prix l’approbation des autres, même de ceux qui ne pouvaient pas l’encadrer. Au fil des années et avec sa scolarité désastreuse au lycée, c’était devenu pathologique.
La glace finalement en main, elle attrapa deux mouchoirs dans son sac et les enroula précautionneusement autour du cornet. La crème glacée commençait déjà à fondre, mais Paige n’en avait pas grand-chose à faire. Après tout, elles n’avaient que cinq éléments à trouver. Elles se dirigèrent donc vers le stand, et la bibliothécaire s’arrêta presque net, s’excusant machinalement auprès de sa coéquipière, puis elle murmura « Attends, on ne va quand même pas payer pour récupérer cette peluche, si… ? »
 

J’aimais bien cette Heaven et malgré le fait qu’elle me semblait plus âgée que moi, je sentais une âme enfantine en elle et sans trop savoir pourquoi, ça me plaisait beaucoup, probablement parce que j’étais pareil, je me raccrochait corps et âme à ma jeunesse et mon enfance pour en profiter à fond parce que franchement, devenir adulte c’était vraiment la misère, il n’y avait qu’à voir les histoires des cœurs et de cul hein. C’est vrai quoi, à l’époque on ne faisait que donner la main à son amoureuse dans le rang de l’école, on la mettait pas enceinte par exemple. Ce genre de trucs quoi. N’empêche, il me semblait parfois quand même être le plus mature de nous tous, le seul à faire attention à ma santé et à celle des autres, le seul à mener une hygiène de vie exemplaire et pourtant, je n’avais pas ma mère dans mon dos pour me dire de ranger ma chambre ou manger des légumes de temps en temps. Bref, Saint Iron quoi. Un peu plus et je me convaincrait moi-même. Puis en plus d’être aussi gamine que moi, voilà qu’on se découvrait tous deux anglais et visiblement elle n’était pas la seule dans les coins, à croire que le destin nous avait mis sur la route l’un de l’autre, non ? A sa confirmation, je ne pus m’empêcher de sourire de toutes mes dents. « Trop bien, puis les Beatle c’est la vie aussi en fait alors ça va ! Bientôt les gens d’ici vont apprendre à vraiment parler anglais et tout alors ! » fis-je gai comme un pinson à devoir me retenir sinon en temps normal, j’aurais déjà été en train de sautiller dans tous les sens. Peut-être voudrait-elle sautiller avec moi ? Peut-être pouvions nous sautiller à l’unissions aux rythme de God Save The Queen ? Bref, je déraillais tandis qu’un duo voisin s’écrasa au sol, ce qui risquait de m’arriver sous peu si je continuais à comme ça ! Reprenant un semblant de sérieux, je clopinais tout contre Heaven jusqu’au stand tandis qu’elle scrutait déjà les lots avant de me tirer, l’air déçue et tout aussi emmerdé d’avoir tapé un coup d’épée dans l’eau, je débitais à toute allure la première idée qui me vint : tricher. Toujours tricher, toujours gagner ! C’est donc à nouveau bras dessus bras dessous que nous gagnâmes le stand des ficelles et je lui laissais l’honneur de tirer au hasard. Une fois, deux fois…et à la troisième, devinez qui nous sauta dans les bras ? Bébé tigre ! Youhou ! « La vache, t’es vernie toi ! En plus il est énorme ! » fis-je comme un gamin devant un gris paquet mais sans perdre le nord, je zieutais déjà le reste de la liste : Une cible touchée en plein dans le mille ! Trop bien ! Direction le stand de tir à la carabine !

Un premier coup gagnant ?

Se salir les mains n’avait jamais posé de problème à Irina, au contraire. Elle était bien souvent la première à critiquer ces filles fausses et trop maquillées qui n’étaient pas capables d’enfiler des baskets pour marcher en forêt, par temps de pluie ou non. Cependant, tenir cette glace bien trop énorme et bien trop dégoulinante ne l’enchantait guère. C’était simplement sale et inutile. « Je peux tenir la glace, si tu veux. Mes vêtements ne valent pas grand-chose, et les tiens ont l’air plutôt chers. Ça ne me dérange pas, et si ça peut t’arranger… » S’étant plainte à haute voix sans vraiment réfléchir, elle ne s’était pas douté une seconde que son équipière se dévouerait pour cette tâche. Elle la toisa du regard, sans vraiment exprimer la moindre reconnaissance et lui tendit silencieusement le cornet. Elle fut si perturbée que cette jeune femme veuille le prendre de son plein gré qu’elle s’en retrouvait bouche bée. Il fallait être bête pour accepter ça. Ou bien trop gentil. Ce devait être ça. La russe esquissa un mince sourire de remerciement et la suivit dans ses pas.

Leur marche jusqu'au stand fut bien silencieuse, et ce ne fut pas pour déplaire à Irina dont la tête menaçait d’exploser à tout moment. La musique – nulle à son gout -, les manèges et les gens faisaient un bruit monumental. Tellement concentrée à pester contre le monde, elle ne se rendit même pas compte qu’elles étaient arrivés à l’endroit indiqué par cette fameuse Paige. Elle observa le stand qui offrait un large choix de peluches. Cependant tout cela paraissait trop simple. En effet il s’agissait en réalité d’un jeu de hasard, consistant à tirer des ficelles, chacune d’elles étant reliées à un cadeau. Irina n’était pas bête, tomber sur la peluche de tigre semblait impossible. « Attends, on ne va quand même pas payer pour récupérer cette peluche, si… ? » Irina se tourna vers elle, comme éclairée par ses paroles. « Je crois bien que si. »

Toujours aussi déterminée à en finir le plus vite possible, elle s’approcha du stand et interpella vivement l’homme à sa charge. « Excusez-moi ! Je veux cette peluche de tigre là haut, je peux vous l’acheter tout simplement ? Je n’ai pas le temps de jouer. »

Paige avait une envie grandissante de les libérer l’une et l’autre de ces épreuves stupides qui leur avaient imposées, et de toute évidence sa compagne d’infortune devrait être dans le même genre d’humeur, puisqu’aucune d’elle ne parlait, même pour meubler le silence légèrement inconfortable qui s’était installé entre elles. A quoi bon, après tout ? Sitôt libérée de ce cauchemar, elle libérerait sa cheville et se dépêcherait de regagner son appartement et ses livres, enfouissant loin dans sa mémoire cet après-midi ridicule qu’elle était en train de subir.
La jeune femme fut tirée de ses pensées en voyant Irina la regarder sans vraiment d’expression, puis lui tendre la glace. Paige haussa les épaules, et manqua presque l’esquisse de sourire que lui adressa la brune. Un peu interloquée par son manque de réaction, la bibliothécaire n’insista cependant pas et lui emboîta le pas, de nouveau sans parler. Autour d’elles, tout bougeait. Les manèges lui auraient presque donné le tournis, les odeurs sucrées et suaves de la nourriture typique des fêtes foraines se mélangeaient et parvenaient à son nez. Les enfants hurlaient et couraient, les parents excédés passaient leur temps à lever les yeux au ciel. Pourquoi s’infliger une telle épreuve quand on pouvait tranquillement rester chez soi ? C’était une énigme que la jeune femme n’arrivait pas à résoudre. Mais après tout, elle aurait pu se poser la même question – qu’est-ce qui l’avait poussée à sortir de l’abri reposant et sécurisant de son appartement pour se retrouver ici ?

Le stand de peluches apparut enfin dans leur champ de vision et Paige émit un soupir soulagé. Elle en avait ras-le-bol de ces épreuves aussi stupides qu’inutiles, elle qui était pourtant arrangeante en toutes circonstances. Sa compagne répondit par l’affirmative à sa question interloquée, et la bibliothécaire leva les yeux au ciel. Elle n’eut rien le temps de dire, que déjà Irina interpellait le forain pour lui demander si elle pouvait acheter la peluche. La rousse émit une courte prière, elle qui n’était même pas croyante ; pour que l’homme réponde positivement à leur requête. Visiblement intrigué, il leva un sourcil et Paige faillit claquer sa langue en signe d’impatience. Elles n’allaient quand même pas y passer la journée, si… ?

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But right now these moments are not stories. This is happening. ○ La présence d’Iron était presque apaisante. Sous ses airs d’adolescent rebelle et tatoué, il semblait avoir l’âme d’un gamin de cinq ans encore émerveillé par tout ce que la vie pouvait offrir. Heaven riait de bon cœur ; elle riait comme elle n’avait pas eu l’occasion de le faire depuis plusieurs semaines, comme si elle s’était libérée de tout ce poids qui l’avait un peu trop pesé. Ils étaient tous les deux partis dans des délires de conquérants british mais cela leur allait bien ; quelque part, il réveillait aussi chez elle son côté patriotique.
Mais pour l’instant, les deux anglais avaient délaissé leur contrée de cœur  pour partir à l’assaut de la terre promise : Disneyland.
« Trop bien, puis les Beatles c’est la vie aussi en fait alors ça va ! Bientôt les gens d’ici vont apprendre à vraiment parler anglais et tout alors ! » conclut Iron.
Heaven se mit à rire tandis qu’ils s’avançaient vers la pêche aux canards. Ils faisaient fausse route. Damn it. Le sort ne leur était pas favorable, et Heaven se maudissait intérieurement de leur avoir faire perdre du temps inutilement. Aussitôt, Iron déballa tout un tas d’idées de secours pour trouver une peluche en forme de tigre, et bien vite ils se retrouvèrent au stand de ficelles. Gentleman, il la laissa tirer, faisant confiance à la bonne étoile de la blondie. Elle n’y croyait pas mais…
Bingo. Heaven en aurait presque sautillé de joie si cela ne lui aurait pas valu de se vautrer par terre avec Iron.
« La vache, t’es vernie toi ! En plus il est énorme ! » commenta-t-il.
Heaven poussa un petit cri victorieux en levant les bras au ciel, en véritable guerrière, avant de serrer contre elle la peluche de toutes ses forces. Comme une véritable gamine.
« Elle est presque aussi grosse que moi. » commenta-t-elle en comparant la largeur du tigre avec sa fine taille. « Elle est trop choue ! Tu penses qu’on pourra la garder ? »
Elle n’était pas sûre que Caleb apprécierait de partager son espace vital avec un bébé tigre en peluche, mais sur le coup, cela lui plaisait comme idée.
Ils n’eurent pas cependant le temps d’apprécier cette petite victoire. Ils se rendirent avec empressement vers le stand de tir afin de collecter leur second objet, et une nouvelle fois Iron laissa Heaven passer la première. Guère rassurée, l’anglaise tandis un billet d’un dollar pour trois coups, et y mit toute la concentration du monde. Iron la gênait légèrement dans ses gestes, mais ce n’était pas de sa faute ; après tout, il devait bien se trimballer la naine de son côté également. Elle poussa un soupir et appuya sur la gâchette.
A côté. Bien entendu.
« Tiens, c’est ton tour. » dit-elle, déçue, en tendant la carabine au tatoué. « Désolée, je suis vraiment nulle pour tirer. »
Nulle pour cuisiner, aussi. Nulle pour sautiller avec quelqu’un attaché à sa cheville. Nulle pour plein de choses. Mais là n’était pas la question, ils devaient viser juste.

Le deuxième essais sera le bon ?

Je m’amusais comme un gamin avec ce jeu de piste, c’est vrai quoi c’était sympa de cavaler comme ça et puis je ne veux pas dire mais on ne s’était pas vautrés une seule fois, moi et Heaven ! Alors soit on était vraiment trop forts, soit on était faits pour être liés par les chevilles, genre destin merveilleux. Bref, je racontais des conneries mais c’était ça qui était bien, je pouvais me le permettre parce que je sentais qu’Heaven n’était pas du genre à me juger pour mes délires parce que j’étais persuadé qu’elle était pareille que moi au fond. Puis bon, nous nous battions férocement pour allez à Disneyland quoi, c’était une affaire sérieuse. C’est donc en clopinant que nous nous dirigions vers le stand suivant dans l’espoir de trouver la fameuse peluche qui nous causait tant dans soucis hélas la pèche au canard ne fut pas très chanceuse et passablement impatients nous nous dirigions vers la suite : au bonheur la chance ici ! Fallait vraiment avoir de la chance pour tirer le gros lot du premier coup et je devais avouer que niveau chance, je n’étais vraiment pas le meilleur. Galant, je laissais donc Heaven s’y coller et presque aussitôt, notre Graal apparut ! Devant son enthousiasme je ne pus que rire à mon tour. « Sérieux vu les efforts qu’on y a mit il y a intérêt ! On va l’appeler comment ? » Demandais-je comme si cela avait une quelconque importance, comme si nommer une peluche lui donnerait soudain vie mais pas grave, j’étais comme ça à avoir des idées de gosses. Je repris pourtant notre conversation là ou nous l’avions stoppée. « Et sinon, tu es ici depuis longtemps ? Tu habites là pour de vrai ou seulement pour tes études ou un truc du genre ? » lui demandais-je avec un enthousiasme histoire d’en savoir un peu plus sur elle avant de reprendre. « Si je pouvais, je resterais ici pour toujours, les gens ici sont géniaux. » C’est vrai, malgré les petites histoires au sein de l’immeuble, nous formions une véritable famille. Je regardais cependant la suite de la liste pour prendre la suite des évènements en main : il nous fallait la cible avec un trou en plein dans le mille, bref il n’y avait pas de secret, on allait devoir tirer jusqu’à y arriver mais pas grave, c’était cool. Heaven se plaça aussi bien qu’elle le put pour tirer mais ce fut à côté de la cible hélas. « Merde ! » lâchais-je avant de prendre la carabine qu’elle me tendait. « Merci mais je crois pas être meilleur, j’ai pas fait ça depuis que je suis gosse » dis-je d’un sourire avant de me placer du mieux que je le pouvais pour finalement tirer tout autant à côté qu’elle. « Tu vois, je suis trop nul moi aussi ! A toi de nouveau ! » Fis-je en haussant les épaules avant de lui retendre la carabine.

Alors, plus de chance pour Heaven ?

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But right now these moments are not stories. This is happening. ○ La peluche tigre, c’était fait. Heaven commençait à réellement croire qu’ils pourraient avoir le voyage à DisneyLand ; pourtant, il leur restait encore énormément d’objets à trouver. Bah. Tant pis. La force britannique était avec eux. Ils allaient se plier en quatre, cela ne leur faisait pas peur : la preuve, l’anglaise n’avait pas encore eu le temps de s’extasier devant la grosseur du bébé tigre qu’ils étaient déjà repartis gambader ailleurs pour collecter d’autres choses. Alors qu’ils clopinaient joyeusement, elle se mit à se questionner : les objets, à la fin, ils les gardaient ? Ou bien ils étaient censés les rendre pour prouver leur bonne foi ?
Au final, elle n’avait pas clairement entendu les règles du jeu. Hormis, peut-être, que tous les coups étaient permis.
« Sérieux vu les efforts qu’on y a mis il y a intérêt ! On va l’appeler comment ? » lança Iron toujours avec le même entrain.
Heaven haussa les épaules, alors qu’ils se rapprochaient lentement du stand de tir.
« Tigrou ? C’est un peu banal, mais j’ai toujours trouvé ça vraiment adorable. » répondit-elle avec un sourire. « Enfin, faut d’abord déterminer si c’est un mâle ou une femelle. »
Bien entendu, c’était une question existentielle. Cela allait de soi. Heaven se mit à rire, alors qu’ils arrivaient au même moment devant le stand de tir à la carabine.
Mon Dieu. Elle n’était pas rendue. Iron ne pouvait pas savoir à quel point il était tombé sur la partenaire la moins douée du monde ; le coup de chance qu’elle venait d’avoir était un phénomène bien rare dans sa vie. Elle n’espérait pas que cela se reproduise. Cela aurait été être naïf.
« Et sinon, tu es ici depuis longtemps ? Tu habites là pour de vrai ou seulement pour tes études ou un truc du genre ? » lui demanda-t-il. « Si je pouvais, je resterais ici pour toujours, les gens ici sont géniaux. »
Heaven ouvrit la bouche pour lui répondre, mais le forain lui ficha la carabine dans les mains, et elle se concentra pour tirer correctement. Les sourcils froncés, elle ne fût pas étonnée de constater qu’elle avait visé à côté. Bien entendu. Dépitée, elle passa l’engin à Iron.
« Merde ! Merci mais je crois pas être meilleur, j’ai pas fait ça depuis que je suis gosse » dit-il, avant de prendre place et viser à côté. « Tu vois, je suis trop nul moi aussi ! A toi de nouveau ! »
L’anglaise poussa un petit soupir triste, avant de lever la tête pour regarder Iron avec des yeux implorants, comme si retirer était une véritable épreuve.  S’en était une, après tout. Il ne fallait pas croire. Avaient-ils le droit de demander à quelqu’un de le faire à leur place ? Elle pouvait très bien appeler Caleb pour qu’il vienne à la rescousse. Ou son frère, passionné de chasse. Ou n’importe quel inconnu, puisqu’il serait forcément meilleur qu’elle – Heaven avait touché le fond, oh oui.
« A la base, je suis venue pour les études. » dit-elle, répondant à sa question, afin de retarder l’échéance. « Mes parents m’ont mise à la porte… Enfin bref, je suis venue à New York il y a quatre ans pour étudier à Fordham, je suis repartie au bout de deux ans à cause de… Problèmes personnels, je suis retournée à Cambridge et je suis revenue l’année dernière. Je compte bien rester ici… Je continue d’étudier ici mais je vais ouvrir un café avec une amie dans Brooklyn. Je me sens chez moi, à vrai dire. Et puis j’ai tous mes proches dans la ville.  Et toi ? T’es ici pour les études ? »
Elle lui fit un petit sourire, avant de finalement prendre son courage à deux mains et tirer. A côté, bien entendu. Elle soupira, puis tendit de nouveau un billet pour trois nouveaux tirs supplémentaires, avant de fourrer la carabine dans les mains d’Iron.
« Allez, fais ton homme, dégomme-moi ces cibles. Je crois en toi ! » dit-elle.
On aurait presque dit une guerrière. Après tout, elle voulait aller à Disney.

Iron va-t-il réussir à dégommer la cible à son nouvel essai ?

En fait cette liste n’était pas longue mais elle avait déjà eu moyen de nous casser les pieds parce que cette histoire de peluche se révélait bien plus compliquée qu’il n’y paraissait et pourtant, nous n’étions quand même pas si débile que ça, ou bien ? Enfin je ne sais pas pour Heaven mais je suis quand même pas un âne complet vu mes notes au dernier semestre, une chasse au trésor ce n’est vraiment pas supposé demander un niveau de polytechnique ! Quoique, vu notre conversation je n’étais plus tout à fait certain de mon intégrité mentale mais c’était ça qui était bon, on ne se prenait pas la tête et on prenait les choses comme elles venaient tout en faisant tranquillement connaissance, après tout ça servait à ça ce jeu, non ? Au fond ça me faisait du bien de parler à Heaven et non pas à Amen ou les gens de l’immeuble, j’avais l’impression de pouvoir être moi-même sans me poser de questions et surtout, sans me demander qui j’allais blesser cette fois en agissant comme ci ou comme ça. C’est vrai que j’avais vraiment la sensation de toujours empirer la situation alors que mon intention n’était vraiment pas mauvaise, moi j’étais vraiment le mec qui aimait la terre entière par défaut. L’idée d’avoir provoqué tant de malheur autour de moi me fendait le crâne. Aujourd’hui, Heaven, sans le savoir, me servait de Doliprane pour me réparer tout doucement, pour que je redevienne l’Iron qui rigolait pour la moindre connerie, celui qui foutait de l’œil sur la tête de son ami et qui trouvait moyen d’en rire, j’en avait marre d’être celui qui décevait. BREF. Heaven. Disney. Fun. Rien d’autre. Me reconcentrant alors sur notre conversation hautement intellectuelle, je ne pus m’empêcher de rire devant son air renfrogné alors qu’elle se demandait le sexe de la peluche, c’est vrai ça d’abord ! « Moi Tigrou ça me va ! Et puis c’est un mâle moi je pense. Sinon ils auraient dit une bébé tigresse, t’imagine un peu ? Non non c’est un mâle, pas de doutes. » Expliquais-je avec pédagogie avec un air extrêmement sérieux malgré le comique de la situation. C’est vrai quoi, on débattait sur le sexe d’une peluche quand même. Cette question enfin élucidée, nous clopinions jusqu’au stand suivant alors que je la questionnais sans la moindre gêne. Cela du d’ailleurs la déconcentrer puisqu’elle rata la cible mais par chance, je n’eus pas la brillante idée de me foutre d’elle parce que je ne fis guère mieux. En fait, on était vraiment liés par le patriotisme et la nullité en plus de la cheville. Un signe du destin ! Quand elle reprit la parole, je l’écoutais cependant attentivement, devinant sans mal qu’elle avait aussi ses lots de problèmes. « Purée c’est mouvementé ton parcours ! J’espère que je serais encore là dans quatre ans ! Tu me diras quand tu auras ouvert ton café, je viens souvent du côté de Brooklyn, je me suis fais un pote au Ginger’s alors quand il s’ennuis je viens animer son shift. Et oui, je suis là pour mes études, je voulais vraiment vivre des trucs de fous avant et New-York c’était un rêve de gosse. » lui racontais-je à mon tour avant de reprendre la carabine et illustrer mon manque évident de coordination, je ratais à nouveau la cible, comme un grand. Mais au moins je touchais le carton cette fois, mais nous étions encore loin du centre hein. Je lui rendais à nouveau la carabine avec un petit haussement d’épaule désolé. « Encore à toi. Du coup faudra que je vienne de temps en temps à Brooklyn, tu sais pour la garde alternée de Tigrou »



Alors, plus de chance pour Heaven ?

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But right now these moments are not stories. This is happening. ○ Il ne fallait pas croire ; décider du prénom et du sexe d’une peluche pouvait se révéler beaucoup plus difficile que prévu. Les sourcils froncés, la mine soucieuse, Heaven commença à méditer sur le petit tigre qu’ils avaient récupéré, tout en continuant à le serrer contre elle pour être sûre de ne pas le voir s’échapper (enfin, pour être sûr qu’aucun adversaire ne vienne lui piquer, plutôt, puisque jusqu’à preuve du contraire, il ne pouvait pas soudain prendre vie et partir en courant – quoi que). Iron se moqua d’elle gentiment en voyant son air beaucoup trop renfrogné pour la question, et finit par reprendre la parole.
Bah oui. S’il avait laissé Heaven réfléchir comme cela, elle aurait fini par saigner du nez.
« Moi Tigrou ça me va ! Et puis c’est un mâle moi je pense. Sinon ils auraient dit une bébé tigresse, t’imagine un peu ? Non, non c’est un mâle, pas de doutes. » lança-t-il.
Heaven fronça les sourcils un peu plus, cherchant à comprendre ce qu’il venait de lui dire, puis finit par peser le pour et le contre. Elle haussa les épaules, hochant la tête : il avait raison. Bébé tigre. Pas bébé trigresse. C’était d’une simplicité enfantine.
Bienvenue dans le monde, donc, Tigrou, bébé mâle.
Au stand de tir, la chance ne semblait plus leur sourire. Après de nombreuses tentatives ratées, ils finirent même par raconter leur vie respective, et Heaven détailla son parcours à New York avec une voix douce, sans aucune honte, sans aucun complexe. Iron l’écouta avec attention, et cela la fit sourire doucement. Au moins, son parcours n’était pas ennuyant. Au moins, il semblait intéressé par ce qu’elle disait. La présence d’Iron était réellement apaisante : comme si tout pouvait être mis entre parenthèse le temps d’une après-midi. Une certaine insouciante d’adulte émanait de lui.
« Purée c’est mouvementé ton parcours ! J’espère que je serais encore là dans quatre ans ! Tu me diras quand tu auras ouvert ton café, je viens souvent du côté de Brooklyn, je me suis fait un pote au Ginger’s alors quand il s’ennuie je viens animer son shift. Et oui, je suis là pour mes études, je voulais vraiment vivre des trucs de fous avant et New-York c’était un rêve de gosse. » raconta-t-il à son tour.
Il visa pour tirer, mais loupa une nouvelle fois. Heaven haussa les épaules, guère abattue.
« Encore à toi. Du coup faudra que je vienne de temps en temps à Brooklyn, tu sais pour la garde alternée de Tigrou. »
Heaven se mit à rire. Réellement. C’était ça qui était bien avec Iron ; tout semblait naturel, rien n’était de faux. Il ne se tuait pas à donner une image erronée de ce qu’il était, non. Il vivait. Il vivait tout simplement. Empoignant la carabine, Heaven hocha la tête.
« Une semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires ? » dit-elle, amusée. « Pas de soucis. Normalement on l’ouvre en septembre avec la rentrée scolaire. »
Concentrée, Heaven visa la cible et prit une profonde inspiration. Au moment où elle appuya sur la gâchette, elle eut un mouvement de bras qui la déstabilisa, et leva les yeux au ciel. Puis ses yeux se posèrent sur la cible. En plein dans le mille.
« C’EST QUI LA PLUS FORTE ? » cria-t-elle en levant les bras au ciel, victorieuse. « Hop, ça, c’est fait. On part à la recherche du moulin à vent… ? Hé. T’as dit Ginger’s ? »
Elle s’arrêta.
« Avec mon copain on bosse au Ginger’s. C’est weird, on ne s’est jamais croisé. C’est qui le gars à qui tu tiens compagnie ? » poursuivit-elle, ayant eu un véritable éclair de lucidité. « Enfin, je travaillais déjà à mi-temps, je ne suis plus qu’à quart de temps… On va dire que c’est un demi-arrêt maladie. »
Elle haussa les épaules, et attrapa la cible touchée au centre, puis clopina sur le côté avec Iron le temps qu’ils trouvent un nouveau plan d’attaque. Disney était pour eux. Oh oui.

vont-ils trouver directement le moulin à vent?

J’étais un vrai gosse malgré mes presque-dix-neuf ans mais trouver une autre fille comme moi, ça me rassurait un peu, je veux dire si elle était aussi tarée que moi, c’est que nous n’étions peut-être pas complètement fous, non ? C’était peut-être nous qui étions normaux et les autres trop chiants ? Ouais c’est ça, nous étions la norme et les autres étaient tous complètement nuls à se la jouer trop sérieux. C’est bon quoi, nous étions à une fête foraine, attachés ensembles avec un tigre sous le bras, voilà la dégaine quoi. C’était pas le moment d’essayer de se la jouer cool je gère ma vie, nan on était juste là pour s’amuser et franchement, pas grave si on s’écrasait au sol comme des crêpes ou si on avait l’air de deux Gogolitos à trouver un nom à un peluche. C’est ça qui est bon. C’est donc avec mon sérieux tout relatif que j’hochais la tête d’un air déterminé en lui exposant ma théorie sur le sexe et le nom de notre tigre adoptif. Nous clopinions donc jusqu’au stand de tir plus absorbés par notre conversation de jeunes parents que dans la concentration et résultat des courses, on risquait davantage de plomber les fesses du forain que de toucher la cible, mais c’était pas grave, c’était drôle quand même si je devais avouer que j’étais franchement nul à ce jeu là, ne trouvant pas suffisamment de stabilité pour tirer sans viser à côté. Heaven se débrouillait un peu mieux que moi à en voir sa position de tireuse d’élite et sa langue sur sa lèvre tant elle se concentrait. Au final elle était pourtant aussi nulle que moi parce qu’elle ratait quand même hein ! Notre conversation m’intéressait cependant bien davantage que le tir et je ne me lassais pas de l’écouter parler d’elle-même, elle avait une voix douce qui me rappelait ma mère qui avait pourtant un caractère bien trempé, la preuve elle avait réussi à nous éduquer moi et mon frère et autant dire que c’était presque comme essayer de remplir une passoire d’eau ! Je conclu néanmoins avec la garde alternée de Tigrou, histoire d’être cohérent quoi. A ma proposition, elle se mit à rire et sans surprise, elle accepta avec logique et pragmatisme. En fait, j’avais d’ailleurs bien envie de la revoir alors cette histoire de garde alternée me convenait bien, ce serait une occasion comme une autre hein, certains se voient pour boire un café, d’autres pour faire la garde alternée d’un tigre. Normal. « Je viendrais faire mes devoirs chez toi alors, et ceux de Tigrou d’ailleurs. » déclarais-je d’un ton égal avant d’hausser les épaules en ajoutant. « Quand je sors mes cahiers dans un bar, je me fais regarder bizarrement en plus ». Ce n’était pas des conneries en plus ! Quand elle se remit en position pour tirer, elle fit un mouvement bizarre mais je regardais la cible d’un air ébahis : c’est qu’elle avait réussi ! Quand elle remarqua à son tour, elle fit un véritable cri de joie et tant bien que mal, on fit un highfive de la victoire. On était potes maintenant toute façon. « Toi t’as de la chance quand tu fail ! La prochaine fois je ferais exprès de travers aussi ! » Fis-je en éclatant de rire, me moquant gentiment d’elle au passage, la suivant joyeusement vers le moulin à vent quand elle s’arrêta brutalement en manquant de me faire trébucher, je me retins cependant à elle, genre perche sans équilibre, appelez Iron. « T’es sérieuse ? Bon moi je viens plutôt l’aprèm quand je m’ennuis, c’est Eliott mais je ne sais pas son nom. Il est vraiment cool comme mec ! Et toi tu fais quoi, tu es barmaid ? » lui racontais-je sans préciser que le chenapan m’avait servi de l’alcool à deux reprises, ne mentionnant pas non plus la grenadine pour autant. Je pris cependant un air inquiet quand elle me parla de son arrêt. « Ah merde, rien de grave j’espère ? » Je ne lui demandais pas pourquoi cependant, espérant juste que ce n’était rien du tout alors que nous clopinions vers le stand des jouets qui par chance, avait des moulins à vent ! Ouf ! Je jetais alors un coup d’œil sur ma liste : Le pompom du manège ! « Bon, t’as pas le tournis j’espère parce qu’on doit aller attraper le pompom dans le manège là bas, ça va être drôle de se caler à deux dans un truc pour les gamins de quatre ans ! »

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But right now these moments are not stories. This is happening. ○ Iron était… Différent. Réellement différent. Un peu comme elle, dans une version peut-être légèrement plus candide et moins écorchée vive. Mais comme elle. C’était tout ce qui importait. Elle fût heureuse de trouver dans le tigre un moyen de le revoir, puisque sa présence lui faisait du bien, et il semblait être quelqu’un de réellement adorable, et ce même en dehors du jeu. C’est donc décidée qu’elle opina, en évoquant les semaines sur deux et les moitié de vacances scolaires, et il sembla presque aussi ravi qu’elle de cet arrangement légèrement hors norme.
« Je viendrais faire mes devoirs chez toi alors, et ceux de Tigrou d’ailleurs. » répondit-il en parlant du futur café de l’anglaise, définit comme lieu de passage de garde de leur bébé tigre. « Quand je sors mes cahiers dans un bar, je me fais regarder bizarrement en plus. »
Heaven fronça légèrement les sourcils, et haussa les épaules, un éclair désolé passantsur son visage. C’était les gens. Les autres. Trop étroits d’esprit pour accepter qu’une personne puisse faire autrement qu’eux. Un bar, c’était pour boire. Mais qui avait décrété cela ? Pourquoi un étudiant ne pouvait-il pas y faire ses devoirs ? C’était comme les personnes qui les regardaient de travers parce qu’ils choisissaient un nom pour leur peluche : quand on vivait à des kilomètres de la réalité, le commun des mortels n’étaient pas accueillant. Pas accueillant du tout.
Marginaux. Il en faisait partie. Mais Heaven également.
Un miracle. Ce fût littéralement cela qui mena Heaven à tirer en plein dans une cible, principalement à cause d’un tic nerveux que son bras avait eu au moment où elle avait tiré. Un cri de joie, puis un highfive pour célébrer leur victoire, Heaven riait aux éclats, heureuse pour pas grand-chose. Elle était soulagée, également. Soulagée de pouvoir passer à l’autre étape et de voir la victoire se profiler devant leurs yeux.
« Toi t’as de la chance quand tu fail ! La prochaine fois je ferais exprès de travers aussi ! » lui lança-t-il.
Heaven se mit à rire, tandis qu’ils repartaient à l’assaut des moulins à vent, cette fois-ci. Ce fût seulement à ce moment-là qu’elle percuta pour le Ginger’s, et avec automatisme, elle s’arrêta en plein dans son mouvement. Iron dut se rattraper à elle pour ne pas tomber, et elle se tourna vers lui pour lui dire qu’elle y travaillait également.
Comment avaient-ils pu ne jamais se croiser ? Elle se serait forcément souvenue de son visage. Forcément.
« T’es sérieuse ? Bon moi je viens plutôt l’aprèm quand je m’ennuis, c’est Eliott mais je ne sais pas son nom. Il est vraiment cool comme mec ! Et toi tu fais quoi, tu es barmaid ? » répondit-il, avant d’enchainer. « Ah merde, rien de grave j’espère ? »
Heaven secoua la tête à la négative. Non. Bien sûr que non. Enfin, presque.
« Non, rien de grave. Il en faut plus pour m’achever. » répondit-elle, heureuse d’éviter une question qui l’aurait amené à évoquer son anorexie et ses insomnies récurrentes. « En fait, je suis pianiste. C’est pour ça qu’on n’a pas dû souvent se voir, je bosse le soir, de dix-huit heures à minuit, parfois de vingt heures à deux heures du matin. Enfin, bossais. Je suis passée qu’à trois représentations par semaine au lieu de cinq. »
Elle aimait son job, réellement. Cependant, son médecin refusait qu’elle en fasse trop. Il se bornait à ne pas comprendre que travailler lui changer les esprits. Mais que pouvait-elle réellement faire pour lutter contre ? Rien, rien du tout. C’était son médecin. Elle se devait de l’écouter. Elle n’avait pas le choix.
Ils se rendirent au stand de jouets, et mirent la main sur un moulin à vent, venant s’ajouter au tigre et à la cible touchée en plein milieu. Heaven affichait un sourire qui ne partait pas de son visage, et Iron se tourna vers elle lorsqu’ils se retrouvèrent en face du manège.
« Bon, t’as pas le tournis j’espère parce qu’on doit aller attraper le pompom dans le manège là bas, ça va être drôle de se caler à deux dans un truc pour les gamins de quatre ans ! »
Elle prit une expression de guerrière, avant qu’ils ne se remettent à marcher. Bien entendu que non, elle n’avait pas le tournis. Elle était motivée.
« C’est surtout toi qui vas avoir du mal. Moi, j’ai le physique d’une petite fille, je suis sûre que je rentre sans mal. »
Mais Heaven se trompait, même concernant sa carrure. Les petites voitures étaient minuscules, et elle se retrouvait littéralement écrabouillée entre Iron et les bords. Lorsque le manège partit, ils ratèrent le pompon, et ce malgré toute la bonne volonté du monde. C’était juste trop haut. Mais il ne fallait pas désespérer.
Heaven était prête à faire dix tours de manège s’il le fallait.
« Je crois qu’en fait ils ont prévu de nous tuer. » marmonna-t-elle en attendant que le manège reparte pour un autre tour. « Ou alors nous épuiser. Ou les deux. Mourir d’épuisement, c’est pas terrible quand même. »
Elle haussa les épaules, puis le manège repartit pour un second tour. Ils pouvaient le faire. Ils devaient le faire.

Vont-ils avoir le putain de pompon au deuxième tour ?

Nous nous entendions à merveilles comme si nous avions été destinés à nous rencontrer et finalement tout concordait, on était tous les deux anglais et open pour se faire attacher la cheville, je veux pas dire mais ça crée quand même de supers liens sur lesquels on aurait pourtant pas misé un sou à la base mais franchement, j’aimais cette spontanéité et finalement les plus belles rencontres se faisaient au gré du hasard, il n’y avait qu’à voir ma rencontre avec Amen. On ne s’était jamais parlés ou vus avant et pourtant, dès les premiers instants j’ai su qu’un truc fort allait se passer et résultat des couses, on était ensemble et amoureux envers et contre tous. Je ne savais pas ce qu’il en adviendrait avec Heaven mais j’étais prêt à parier qu’on pouvait construire un truc de beau, quelque chose de pur. Ces pensées me rendaient peut-être niais mais je n’aimais pas m’embarrasser du qu’en-dira-t-on, je m’en foutais de passer pour le roi des idiots ou pour un gamin qui n’a pas grandi. Je m’en foutais de tout sauf pas de la vie qui défilait entre mes mains et que j’empoignais comme un américain sur son burger. Ouais, pour moi chaque instant était important et je savourais sans la moindre retenue. Un peu comme Heaven et finalement, ce n’était pas si étonnant qu’entre nous le courant passe aussi bien. D’ailleurs notre équipe fonctionnait du tonnerre puisque nous avions presque tout de notre liste, enfin le reste ne devait pas bien être compliqué hein. C’est donc avec bon cœur que je félicitais Heaven pour son coup de maître sur les cibles avant de clopiner à nouveau jusqu’au stand suivant, faisant attention de ne pas faire de trop grandes enjambées et ne pas trébucher non plus. Je devais d’ailleurs avouer que notre team vendait du rêve hein parce que pas une seule chute à notre actif ce n’était pas si mal ! La conversation reprit de plus belle et je crus bien avoir parlé trop vite quand elle s’arrêta manquant de me faire tomber mais je parviens de justesse à me retenir à elle pour ne pas m’étaler. J’aurais eu l’air d’un gosse à pleurnicher pour un genou écorché mais je n’avais vraiment aucune envie de lui expliquer pourquoi nous devions arrêter le jeu en si bon chemin. Mais no stress, je n’étais pas tombé, tout allait bien. Je m’inquiétais un court instant à propos de sa santé mais devant son air rassurant, je n’insistais comprenant sans mal à quel point c’était lourd de devoir répondre à ces questions. « Oh trop bien tu dois être douée alors ! C’est la classe quand même ! Je viendrais un soir je pense ! » fis-je avec enthousiasme. Je trouvais ça vraiment cool qu’elle ait put faire de la musique son métier et ça me rappelais que j’aurais peut-être davantage jouer de mon côté. Enfin j’avais juste une guitare mais celle-ci prenait davantage la poussière dans un coin de ma chambre qu’autre chose, en plus c’était un horrible objet de tentation pour Amen et Dash quand ils étaient bourrés. Reprenant notre quête, nous allâmes directement aux jouets pour récupérer le moulin à vent et c’est donc munis de toutes ces affaires qu’on se dirigeait vers le manège. Petit j’adorais ça sauf qu’un drame avait eu lieu : j’avais foutrement grandi depuis mes quatre ans et même si je n’étais pas bien gros, mes jambes étaient malgré tout longues et difficiles à replier sur elles-mêmes. Mais alors que je m’imaginais déjà dedans, j’avais oublié à quel point il serait compliqué de RENTRER dedans. Essayez un peu pour voir, avec une naine accroché à la cheville, qu’on rigole. Nos tentatives furent d’un tel désastre que j’en riais à m’en faire mal au ventre et il faut dire que nos arrangements valaient le détour avec elle qui tentait en rentrer et moi qui devait suivre tant bien que mal en mode grand écart avec Tigrou dans la main et le moulin dans l’autre. « Oh fuck, faut qu’on saute dedans je sais pas » rouspétais-je à moitié écroulé de rire avant que nous trouvions une position plus ou moins acceptable et fonctionnelle puisqu’à priori, nous avions un but dans la manœuvre. Le premier tour se solda par un splendide raté mais le second fut bon ! Je n’y croyais alors que j’avais le truc dans la main. « Ahah c’est sur que là c’est pas d’ennui qu’on va mourir mais on y est presque ! Plus que la glace et l’autre truc là » Plus que. Ouais sauf que là ou nous sommes rentrés, nous devons aussi ressortir (j’eus une pensée pour le cycle de la vie et ça me fit marrer) et quand nos pieds retouchèrent Terre Ferme, je ne pus m’empêcher de pousser un petit soupire. « Quand même, si avec ça on ne gagne pas je sais pas ! Faut qu’on cherche une glace maintenant, tu veux quel goût ? J’ai trop envie d’une glace au melon ! » Et déjà on repartait comme des vainqueurs affronter le marchant de glace.