topic commun - à deux, c'est mieux;

But right now these moments are not stories. This is happening. ○ Retomber en enfance. Retomber dans cette enfance qu’Heaven n’avait eu qu’à moitié. Elle ne savait pas si son côté enfantin était causé par le fait que ses parents l’avaient toujours privé d’amusements et de rires tout au long de sa vie ; pourtant, aujourd’hui encore, alors qu’elle avait vingt-deux ans, elle prenait plaisir à jouer comme une grande gamine sans se poser réellement de questions. Elle se fichait du regard des autres. Elle se fichait de ce qu’ils pouvaient bien penser. Elle se fichait du monde qui l’entourait tant qu’elle pouvait trouver un peu de réconfort dans ce qui s’offrait à elle. Parce qu’au fond, Heaven n’était qu’une fille blessée, qu’une fille qui s’était perdue dans sa propre vie. Parce qu’au fond, Heaven ne demandait qu’à être heureuse, et ne réussissait qu’à l’être durant ces instants éphémères et qualifiés comme futiles par certains.
Elle se fichait du ridicule, elle se fichait d’avoir l’air idiote, ainsi attachée à la cheville d’Iron. Ils clopinaient joyeusement dans la fête foraine avec un tas d’objets dans les mains, mais jamais, au grand jamais, elle n’eut envie d’arrêter tout simplement parce qu’elle avait peur pour son image. Pourquoi aurait-elle dû s’en soucier ? Elle n’avait qu’une vie. Elle ne souhaitait pas s’embarrasser de pensées aussi inutiles. Cependant, lorsqu’ils se retrouvèrent devant le manège et ses sièges minuscules, Heaven se sentit doucement blêmir, alors que ses yeux s’écartaient comme des soucoupes. Jetant un coup d’œil à son asperge de coéquipier, une seule véritable pensée traversa son esprit : non, ils n’allaient pas y arriver. Cela allait se révéler plus difficile que prévu. Ils n’étaient plus des enfants physiquement. Leurs corps n’allaient pas être d’accord.
« Oh fuck, faut qu’on saute dedans je sais pas. » lança Iron, sur un ton qui fit rire doucement Heaven.
Son doux rire finit en grands éclats, tandis qu’ils essayèrent d’entrer péniblement dans le manège. Ils finirent par y arriver ; cependant, le premier tour se solda en un échec. Il fallait dire, ce n’était pas simple. Il fallait dire, tout cela se révélait compliquer, et nécessitait des stratagèmes particuliers.
Et, étonnamment, Iron se retrouva avec le pompon du manège entre les mains lors du second tour. La bouche en O parfait, Heaven se retourna vers lui en l’applaudissant. Ils étaient les meilleurs. Ouais, ouais, ouais. Sortir de la se révéla difficile également, mais l’anglaise s’en ficha ; ils étaient proches du but. Elle pouvait presque voir Disney danser sous ses paupières.
« Ahah c’est sûr que là c’est pas d’ennui qu’on va mourir mais on y est presque ! Plus que la glace et l’autre truc là » déclara Iron, tandis qu’ils repartaient joyeusement. « Quand même, si avec ça on ne gagne pas je sais pas ! Faut qu’on cherche une glace maintenant, tu veux quel goût ? J’ai trop envie d’une glace au melon ! »
Heaven fronça les sourcils, levant le nez en l’air pour réfléchir. Elle n’avait pas faim. Une glace lui disait absolument rien. Tout comme la nourriture en générale, en réalité.
« Oh, moi ça va, je n’ai pas faim. » marmonnai-je. « Mais je te paye ta glace, ça me fait plaisir. »
Elle lui lança un regard disant clairement tu n’as pas le choix et ils repartirent leur course de plus belle, de plus en plus chargés, chacun portant des éléments qu’ils avaient récolté depuis le début de la course. Le glacier était juste là. Ils se rapprochèrent, et Heaven esquissa un sourire lorsqu’elle aperçut le parfum melon.
« Bonjouuur. » dit-elle d’une voix guillerette, accompagnée de son accent british. « Je voudrais une glace cinq boules de melon, s’il vous plait. »
Un sourire angélique, accompagné de quelques dollars, et Heaven tendis joyeusement la glace à Iron en récupérant quelques objets pour qu’il puisse la tenir correctement.
« Et voilà. » dit-elle, satisfaite. « Plus que le… La… Euhm. Lime à épaissir. Je n’ai strictement aucune idée de ce que ça peut bien être. Ça existe au moins ? »
Elle fronça les sourcils, avant de se tourner vers Iron. C’était une question existentielle, oui oui. La victoire était si proche qu’elle sentait son cœur s’emballer. Disney. Ah, Disney.

J’aimais la spontanéité d’Heaven et finalement, même si nous ne gagnerions peut-être pas le voyage à Disney je sentais au fond de moi qu’on avait gagné bien plus qu’une bête entrée dans un parc d’attraction, nous avions gagné une après-midi joyeuse et hors du temps, nous avions gagné une belle tranche de rires et puis nous avions également gagné une chouette amitié, je le pressentais. Elle avait beau être plus âgée que moi et je ne traînerais pas constamment dans ses pattes comme j’avais pu le faire avec Julia mais je devinais en elle un soutien inestimable, une sorte de présence rassurante qui me rappelais mon enfance à Manchester, quand je rentrais de l’école et que ma mère nous avait préparé un goûter tout juste sorti du four. Ce n’était pas grand chose mais il régnait alors dans notre petite cuisine l’odeur du gâteau et la chaleur du four et des cœurs. Avec mon frère, on s’installait à la table en mettant des miettes partout et on racontait notre journée devant les sourire amusés de Bridget qui se doutait bien qu’on avait pas été aussi sages qu’on le prétendait et malgré sa fausse sévérité, je savais qu’elle s’amusait beaucoup de nous avoir auprès d’elle pour illuminer son quotidien. La maladie n’avait pas encore de place dans notre vie et nous étions encore tous persuadés de finir vieux comme le monde à faire les quatre cents coups parce que oui, à l’époque j’étais persuadé que je deviendrais un jour un de ces papis délirants à jouer et se moquer de ses petits-enfants (voir arrière arrière petits enfants en fait) puisqu’à mes yeux innocents alors, tous les adultes étaient éternels. Ouais, la présence d’Heaven m’évoquait ces doux souvenirs et rien que pour ça, je l’aimais déjà. Je n’avais jamais eu de mal à accorder ma confiance et mon amour parce que par défaut, j’aimais le monde entier. Certains trouvaient ça peut-être neuneu mais je m’en foutais, ce n’est que plus tard dans ma vie que j’ai compris que je n’avais pas le temps de détester qui que ce soit alors doté de mon naturel optimiste, je pardonnais toujours tout à tout le monde et oubliais les contrariétés avec une vitesse hallucinante. Pigeon ? Bonne poire ? Peu importe, je me sentais heureux comme ça et si je pouvais le partager avec mon entourage, c’était tout bénef. L’altruisme n’avait pourtant pas toujours été ma qualité première mais aujourd’hui, je pense qu’il s’agissait d’un de mes principaux traits de caractère alors comme le Mur de Berlin, j’explosais en un milliard de petits bouts de caillou à distribuer à tous ceux entrants dans ma vie pour leur laisser un souvenir impérissable. Ma façon de vivre éternellement finalement.
Cet après-midi resterait également gravé dans mon esprit tant on avait pu rire à essayer d’entrer dans le ménage puis plus problématiquement, en ressortir parce que ça aussi c’était toute une aventure et mille fois nous aurions pu nous casser la figure mais non, j’avais la sensation d’avoir toujours vécu attaché à Heaven comme si nous étions deux siamois reliés par la cheville et visiblement aussi par notre cerveau à en croire notre symbiose. Et continuant notre quête avec toutes nos babioles (Tigrou n’était plus considéré comme une Babiole hein), Heaven vérifia la liste pendant que je réfléchissais déjà au parfum de ma glace. « Cool merci ! » répondis-je seulement alors qu’elle déclina l’offre. Je ne m’en offusquais pas bien loin de me douter de ses motivations mais quelque part, je savais à quel point c’était lourd les gens qui voulaient nous forcer, genre à boire de l’alcool dans mon cas. Quand elle me la tendit, je lui fis donc le plus beau de mes sourires tout en écoutant la suite de l’aventure. « Une lime à épaissir ? C’est quoi ces conneries ? Je suis sur que non ça doit être un attrape-nigaud et faire suer les imbéciles. Viens on va à l’arriver comme ça on sera peut-être les premiers ! » décidais-je en fronçant un instant les sourcils avant de la traîner à ma suite, clopinant une nouvelle fois jusqu’à notre point de départ, sentant au fond de moi cette petite excitation à l’idée de peut-être gagner ce jeu et franchement, Heaven et moi le méritions !


Quête terminée pour Heavon !