Le jeu des chevilles

Selon vous, quel est le meilleur moyen de relier les gens entre eux, qu’ils soient petits ou grands, gros ou maigres, blancs ou noirs, hommes ou femmes ? Avec une ficelle pardi ! C’est en effet le jeu proposé pour cette dernière journée de festivités : mener une véritable chasse au trésor en étant lié par la cheville avec un parfait inconnu. Le principe ? Chaque duo devra trouver tous les objets indiqués sur une petite liste et les ramener au plus vite pour espérer gagner un week-end pour deux à Disney World ! Facile, non ? Eh bien pas tant que ça car pour ce jeu, vitesse et coordination ne font pas toujours bon ménage...

Aucune inscription n’est requise pour ce jeu mais tournez donc la tête vers votre droite (non, l’autre droite, patate !) et faites coucou à votre nouveau partenaire ! Eh oui, le hasard fait parfois bien les choses (ou pas) mais quoiqu’il arrive, n’oubliez pas qu’en aucun cas le lien ne devra être rompu.

Voici la liste des objets à trouver (ou à gagner !) : Peluche en forme de tigre, cible avec un trou dans le mille, un moulin à vent multicolore, une glace à 5 boules, le pompon du manège enchanté et une lime à épaissir !

Have Fun !

Hj : Tout le monde peut participer mais jouez le jeu, il s’agit de créer de nouveaux liens (au sens propre ou figuré d’ailleurs) et donc faire connaissance avec d’autres membres ! Vos réponses devront être courtes et s’enchainer rapidement puisqu’aucun nombre ne ligne n’est requis !

Lorsque l’on m’avait annoncé que j’avais la permission de sortir aujourd’hui, j’avais eu un sourire jusqu’aux oreilles. Je n’en pouvais plus de rester enfermée entre ces quatre murs blancs dépressifs à souhait du Richmond. On m’indiqua que je serai accompagnée par l’infirmier Rousseau. J’avais haussé les épaules, lui ou un autre … j’en voyais pas vraiment l’intérêt. Les noms du personnel rentraient par une oreille et ressortaient par l’autre, parfois je crois sincèrement qu’ils oublient pourquoi je suis là et ma connasse de pathologie. Ce fut seulement quand il se pointa dans ma chambre excité tel un gamin que je le reconnu, il me semble qu’il s’était occupé quelques fois de moi. M’enfin, au moins je ne sortais pas en compagnie d’une vieille infirmière toute ridée qui m’aurait emmené faire du tricot sur un banc de Central Park. Non, avec un p’tit jeunot je pouvais espérer m’amuser un peu et dieu savait que j’en avais grand besoin. La cerise sur le gâteau fut sans aucun doute la révélation de notre destination : la fête foraine. J’étais ravie même si quelque part … j’avais peur de me retrouver au milieu d’un bain de foule.

Arrivée sur place je ne sus où donner de la tête, des stands, des couleurs, de la musique enivrante de partout. A côté de ça, le service psychiatrique du Richmond ressemblait à un couvant. Une espèce de grosse meringue radioactive vient nous attacher d’un fil au niveau de nos chevilles. L’infirmier se mit à sauter sur place et à crier comme un fou –et après c’était MOI qui était enfermée dans un asile ? Le comble !-, je le regardai décontenancée ne comprenant rien à la situation. Plus d’une fois je manquai de perdre l’équilibre, je dû bien me résoudre à suivre le mouvement. Jump, jump, jump ! Si je connaissais ce jeu ? Il me pointa du doigt et je dois avouer que pendant quelques secondes il me fit presque peur. Je fouillais dans ma mémoire vide mais en vain. « Euh … je sais pas vraiment … » j’étais hésitante. Il semblait oublier que j’étais amnésique, sympa l’infirmier. Je me sentis mal, inutile, pas à ma place. Je faisais tâche dans ce décor de foule parfaitement heureuse et joyeuse. Comment ça il me trainerait ?! « Mais … » Je n’eus pas le temps de finir ma phrase qu’il me tourna le dos pour écouter un type louche et puis BAM. Tous les duos partirent au galop. Je retiens l’infirmier par le coude « C’est quoi tout ça ? Vous m’expliquez ? On doit faire quoi … ? » Finalement l’option tricot aurait été peut-être moins périlleuse.

Donc à présent je n’avais pas de vie. D’accord. Enfin techniquement il avait raison, passer H24 enfermée entre quatre murs c’était pas une vie. Pas la peine de s’offenser. Je l’observais plutôt décontenancée, il avait un putain de tact pour un infirmier quand-même hein. Il s’excusa en un sourire, il semblait plutôt de bonne foi et puis … j’avais pas tellement envie de me prendre la tête avec des broutilles aujourd’hui, je devais profiter de cette journée de liberté, c’était le plus important et j’y mettrai un point d’honneur. « Et je suis celle qu’on enferme … un comble ! » renchéris-je avec une pointe d’humour. Il n’empêchait que j’étais un peu perdu. Je crois que je n’étais plus tellement habituée à un tel environnement après avoir passé six mois dans le service psychiatrique du Richmond où le calme et le silence –quand un fou ne le brisait pas- étaient les maitres mots. En réalité, on se faisait royalement chier là-bas. Je le questionnais sur le but du jeu, à croire que j’étais sourde en plus d’être amnésique … eh ben, j’étais pas sortie de l’auberge moi ! Résumons donc ; trouver les objets et ce, avant tout le monde. Okay jusque-là tout va bien. « Et ils peuvent être n’importe où ? Ou on a des indices, genre, carte au trésor ? » Cheyenne boulet numéro un du jour BONJOUR ! Les autres duos s’éloignaient déjà, je nous faisais prendre du retard j’aimais pas ça. Je ne voulais pas être la cause de notre défaite. L’infirmier proposa que l’on commence par la peluche. Très bien, le tigre. Un truc orange devait se repérer facilement non ? J’acquiesçai d’un signe de tête. « En avant mon capitaine ! » Je m’exécutai comme un bon petit soldat, un pied devant l’autre plutôt lentement au début de peur de nous casser la binette. « C’est quoi votre nom déjà ? Quitte à passer la journée ensemble, il faudrait que j’essaye de m’en souvenir une bonne fois pour toute. » J’esquissai un petit sourire plutôt gênée de lui demander une telle information après des mois et des mois de traitement.

A la maison je commençais à devenir dingue, entre Alexei qui n’en finissait plus de déprimer dans la chambre d’à côté, Amen et Dash que j’évitais comme la peste et puis les jumelles que j’évitais aussi en fait…donc ouais il y avait vraiment moyen que je devienne chèvre et puis, j’ai jamais été fait pour être solitaire moi ! Mais pas le choix, je me suis mis moi-même dans ce bordel sans nom, je devrai bien pouvoir en sortir de la même façon, nan ? Ce matin je me suis donc levé et avant même de songer à allumer mon mac, j’ai su qu’il était hors de question de passer une nouvelle journée terré dans ma chambre, je m’appelle pas Solal moi, merde. Avec tout le courage du monde, je m’étais donc douché, habillé, pris mes clopes et Go vers l’aventure. Bref, je suis sorti de chez moi.
C’est presque tout naturellement que mes pieds m’ont conduits jusqu’à la grande fête foraine de passage dans la ville et mon humeur se fit presque aussitôt meilleure : je resterais définitivement un gosse je crois et mon cœur se mettait déjà à battre au même rythme que les basses de la musique diffusée tandis qu’un sourire vint étirer mes lèvres. Putain, ça faisait du bien ! A peine fait le tour, mon regard fut attiré par une petite estrade avec un forain qui parlait de Disney World alors forcément, j’étais au taquet : j’ai déjà été à celui de Paris mais quoi de mieux que l’original ? Le vrai ? Ouais, définitivement, ce voyage était pour MOI. Enfin, à nous, j’ai pas eu le temps de tourner la tête nulle part que j’étais déjà attaché à quelqu’un. J’ai d’abord cru que c’était une fillette mais en fait non, elle était juste toute petite, toute blonde et toute mignonne elle avait dans le regard cette flamme qui disait que Disney World, c’était pour ELLE. Ça tombait bien, nous étions liés. Un rire me parcourus à sa mise en garde. « Tu sais quoi, ça tombe vraiment bien parce que j’en ai deux droits, normalement ça devrait faire équilibre ! » Autant qu’elle soit prévenue : j’avais la connerie de bonne ‘heure. Je me penchais par dessus elle pour lire la liste, elle n’avait pas l’air bien compliquée mais je sentais que cette quête serait malgré tout épique. « Ben écoute, ravi de faire ta connaissance Heaven, puisse les liens sacrés de la ficelle nous êtes favorables. Moi c’est Iron. » Moi et mes références, j’avais que ça à foutre hein, regarder des DVD pour m’occuper quand je faisais la gueule à la terre entière. Je fronçais un instant les sourcils. « Je crois t’avoir déjà vu quelque part…tu n’étais pas dans l’ascenseur bloqué ? » Ouais, sa tête me disait vraiment quelque chose, puis ce serait vraiment un drôle d’hasard, nan ? Bref, je me reconcentrais aussitôt sur le jeu, parce que je me voyais déjà avec des oreilles de Mickey sur la tête. « Je crois qu’il vaut mieux commencer par le tigre parce qu’il doit pas y en avoir beaucoup à gagner, ça te va ? » Puis d’un regard sur nos chevilles, je me demandais comment faire, à coup sur nous n’avions pas la même foulée. « Le mieux c’est de se passer un bras dans le dos et compter jusqu’à 3 parce que je te préviens, Disney c’est pour moi, enfin pour nous du coup ! » Je lui souris en levant le pouce. Perdre ? C’était même pas envisageable.

L’infirmier m’arracha un éclat de rire. Je réalisai alors à ce moment précis que ça faisait longtemps que je n’avais pas ris de bon cœur. Au Richmond j’avais plutôt tendance à rire jaune histoire de me fondre dans la masse, de ne pas être celle qui fait tâche à faire la gueule H24 … mais qu’on se le dise, l’humour hospitalier était pire qu’une blague carambar. « C’est un bon filon … Vous devriez plaider ma cause, je suis sure que j’assurerai en blouse blanche » Qui sait, peut-être que j’avais fait médecine dans ma vie antérieure. Même ça je l’avais oublié aaaah. Soupire. J’étais un cas désespérée en réalité. Des moins de psy, de traitements et d’enfermement et je n’arrivais toujours pas à refaire le puzzle de ma vie avec mes brides de souvenirs. Pathétique. Bref. Il fallait que je me sorte ces ondes négatives de la tête pour la journée et profité que je sois dehors, libre … enfin presque. Au détail près que l’infirmier et moi étions attachés. Nous devions donc trouver des objets plus loufoques les uns que les autres. Pas d’indices, que dalle … Autant m’envoyer faire un safari au Kenya pour dégoter un tigre ! « Mmmh, et ils se baladent en pleine nature ou … ? Parce que sinon on peut toujours essayer d’en choper un sur un stand ! » Voilà qu’on suivait le mouvement sans trop savoir où aller finalement. La meilleure option était encore que je le laisse nous guider, j’y connaissais rien à ce truc. Je me sentais déjà assez bête avec toutes mes questions plus stupides les unes que les autres. Je lui demandais son prénom, quitte à passer la journée ensemble autant que je m’en souvienne. Très bien, ce serait donc Nate. « Et plus facile à retenir surtout » ajoutai-je. Et ça, c’était le plus important. Le tatouer ? Je ris de bon cœur avec lui. « C’est une option, tu as un stylo sur toi ?! » Je continuai dans la veine de la blague. Finalement il était plutôt sympathoche ce Nate, ça changeait des vieilles peaux du service. « Dis-voir Nate, tu es au Richmond depuis longtemps ? D’aussi loin de que je m’en souvienne, bien que ça ne soit pas grand-chose je l’admets, je ne me souviens pas d’un infirmier mégalo dans ton genre. Surtout que j’t’aurai remarqué au milieu de toutes les vieilles branches ! »

Paige ne savait pas ce qu’elle faisait là. C’était là l’archétype même des endroits qu’elle détestait, qui lui faisaient peur et qui lui rappelaient la période du lycée, où entendre les autres rire signifiait en général que rien de bon ne pouvait s’annoncer pour elle. Mais l’appel de New York avait été plus fort que tout cet après-midi là, et elle s’était retrouvée à prendre machinalement la première route qui croisait son chemin. Sans vraiment faire attention où elle allait, elle s’était retrouvée à la fête foraine, et elle avait paniqué – comme à chaque fois qu’elle mettait les pieds dans un endroit qu’elle ne connaissait pas. Mais après tout, c’était la deuxième raison pour laquelle elle avait déménagé ici. La première était pour son travail, la seconde pour essayer de sortir de sa coquille.

Peut-être qu’une tierce personne, ou juste son psychologue aurait trouvé que c’était un peu trop gros comme premier essai, mais maintenant qu’elle était là et qu’elle constatait que visiblement, personne n’essayait de lui faire du mal, Paige se détendit juste un peu, et sentit le nœud habituel qui liait ses omoplates se desserrer un peu. Elle parcourut rapidement des yeux les stands qui s’offraient à sa vue, et se demanda pourquoi elle n’était jamais venue à ce genre de manifestations auparavant. Depuis qu’elle était arrivée à New York, elle avait un peu de tout expérimenter pour la première fois, comme si elle avait été endormie pendant les vingt-deux premières années de sa vie.

Aussi triste qu’était cette pensée, la jeune femme préférait ne pas penser à son passé et se concentrer sur les possibilités qu’offraient la Grosse Pomme. Elle était libre, et cette perspective avait beau l’effrayer la plupart du temps, elle décida qu’aujourd’hui elle laisserait de côté ses habituelles idées noires.
Elle arriva devant un stand qui faisait gagner un voyage à Disney World, grâce à un genre de chasse au trésor, à faire à deux, attaché par la cheville à quelqu’un d’inconnu. Habituellement, ce genre de propositions aurait fait courir Paige jusqu’à l’autre bout de la ville, mais forte de sa résolution de la journée, elle sourit à la jeune femme très brune qui se trouvait juste à côté d’elle, à laquelle elle venait d’être liée pour le parcours. Un peu gênée par leur proximité, elle laissa le rouge couvrir ses joues et secoua légèrement ses cheveux, espérant que son embarras allait bientôt disparaître.
A journée exceptionnelle, décision exceptionnelle. Elle sourit à l’inconnue, un peu admirative de la jolie couleur de ses yeux. « Moi c’est Paige. Enchantée. »
C’était plus qu’on ne pouvait lui en demander habituellement, mais la rousse avait décidé qu’elle ferait un effort. Cette jolie étrangère ne méritait pas son rougissement habituel. « Désolée, je n’ai pas vraiment l’habitude de faire ce genre de…choses. Ni la fête foraine, ni le jeu, d’ailleurs. »

Ce qu’Irina faisait à la fête foraine entourée de tous ces bambins tous plus bruyants les uns que les autres, elle se le demandait encore. Ses yeux bleus perçants se posèrent sur l’énorme cornet de churros au nutella qu’elle portait entre ses deux mains, est-ce qu’au moins ces trucs plus que gras méritaient le sacrifice qu’elle avait fait aujourd’hui en venant ici ? Peut-être bien que oui au final, ces étranges beignets en forme allongée étaient de véritables bombes dans sa bouche. Tout en essayant de ne pas s’occuper de ce qui l’entourait – ce qui était bien difficile entre les cris et le bruit des attractions -, la jeune femme continua de marcher entre les rangées, savourant sa sucrerie. Et oui, elle devait bien être une des rares personnes présente ici à ne venir que pour manger. On peut toujours s’acheter des beignets ailleurs qu’à la fête foraine qu’ils disaient, mais non. Rien ne valait ceux-là et gare à celui qui essayerai de tenir tête à la russe. Enfin, personne n’était assez bête pour lancer un débat sur le sujet.

Alors que son faible moment de mauvaise humeur avait réussi à s’échapper grâce au pouvoir du sucre et du nutella, Irina sentit un enfant lui foncer dessus, la bousculant totalement par surprise. En tant normal, elle aurait sûrement été prise d’une envie de jurons et de violence mais cette fois-ci, elle fit de son mieux pour se calmer. Ce n’était qu’un enfant, elle ne pouvait pas le frapper après tout. Même si dans le fond elle ne rêvait que d’une chose : lui mettre sa glace dans la tête. Avant même qu’elle n’ait eut le temps de lui dire quoi que ce soit, elle sentit quelqu’un d’autre l’attraper et se mettre à lui parler rapidement et de façon incompréhensible. L’homme avait l’air bien décidé à vendre son jeu « de la ficelle » ou elle ne savait quoi, mais elle n’était pas le public qu’il désirait. Il ne lui laissa pas même le temps de s’échapper qu’elle se retrouva aussitôt liée à une totale inconnue. « Dîtes-moi que c’est une blague. » lâcha-t-elle de sa voix la plus exaspérée.

« Moi c'est Paige. Enchantée. » La russe ne put s’empêcher de remarquer la teinte rose que prirent les joues de cette Paige. Pour couronner le tout, cet imbécile de forain l’avait mis avec une timide, tout ce qu’elle aimait. Irina leva les yeux au ciel et lui répondit assez sèchement. « Irina » Et non pour le moment elle n’était pas spécialement enchantée de se retrouver avec elle, et aucune autre personne ne l’aurait rendu plus aimable. « Désolée, je n’ai pas vraiment l’habitude de faire ce genre de…choses. Ni la fête foraine, ni le jeu, d’ailleurs. » Son regard limpide se posa fixement sur son interlocutrice qui marqua un point. « Et bien comme ça on est deux. » Ça n’allait sûrement pas la rassurer, mais tant pis. Maintenant qu’elle s’était retrouvée coincée dans ce jeu, Irina ne souhaitait qu’une chose : gagner afin de pouvoir être libérée et rentrer chez elle. Elle jeta alors un rapidement coup d’œil à liste des objets à trouver quand un sourire se dessina sur son visage. « Je sais où on peut trouver une glace à cinq boules. » Aussitôt, elle pointa du doigt le petit garçon qui l’avait bousculé quelques minutes plus tôt. Elle aurait sa vengeance. Ne voulant perdre aucune seconde, Irina fit un pas mais se retrouva rapidement bloquée par sa partenaire qui ne l’avait pas suivie, ou en tout cas pas de façon synchronisé. Elle se retourna vivement vers elle et lui lança un regard plein d’interrogations. « On y va ? »

Bon. De toute évidence, Paige était tombée sur une inconnue peut-être dotée de forts jolis yeux clairs et d’une peau aussi pâle que celle de Blanche-Neige ; mais la princesse était de toute évidence de fort mauvaise humeur ou tout simplement fort désagréable. Quoi qu’il en soit, elles étaient liées par la cheville et il était désormais de son ressort de s’assurer qu’elle n’allait pas faire partir ladite Irina en courant. C’était bien mal parti, à en juger par l’expression qui se dessinait sur le visage de la brune. Rien que son ton énervé qui ressortait de sa phrase suffisait à indiquer à Paige qu’elle n’était certainement pas là pour s’amuser le plus possible – tout au plus, pour se débarrasser de cette tâche qui ne devait pas beaucoup l’amuser.
Paige ne put s’empêcher, pour la énième fois de la journée ; de se demander ce qu’elle faisait là ; cette fois accompagnée d’une autre question : pourquoi est-ce que le destin avait choisi de réunir deux jeunes femmes qui, de toute évidence ; ne s’entendraient pas le moins du monde ? Est-ce qu’elle n’avait pas assez souffert d’être indésirable pendant sa scolarité, il fallait en plus qu’on lui colle entre les bras une jeune prétentieuse ?

Le ton sec d’Irina acheva de la faire taire, et elle hocha à peine la tête, le rouge disparaissant de ses joues. Elle n’allait pas se laisser humilier par cette brune. Avant même de s’en rendre compte, ses lèvres passer les mots. « Moi aussi j’avais prévu autre chose pour ma journée, mais on dirait qu’on est bloquées ici, il va bien falloir faire avec. »
A peine la phrase sortie de sa bouche, elle la regretta mais tâcha de rien laisser transparaître. Après tout, sitôt libérées de leur petit parcours ; elles ne se reverraient probablement jamais, et c’était probablement pour le mieux. Paige croisa le regard bleu d’Irina, qui avoua ne pas avoir l’habitude de ce genre d’endroits non plus. La jeune femme était de toute évidence plus pressée qu’elle ; puisqu’elle avança avant la bibliothécaire et elle récolta un regard interrogateur de la part de sa partenaire. « J’arrive », répondit-elle ; tâchant de ne pas laisser paraître son humeur maussade. Cette idée de venir se balader à la fête foraine était ridicule après tout ; elle aurait dû rester allongée pour son jour de repos ; et passer sa journée à regarder Desperate Housewives. C’était un programme qui lui paraissait bien plus alléchant que de crapahuter pendant une heure attachée à une inconnue qui la détestait déjà.

Soudain, sa bonne humeur revint tandis qu’elle repassait en pensée les stands devant lesquels elle s’était promenée ; et elle rejoignit Irina. « Je suis passée devant un étal qui vendait des peluches en forme de tigre tout à l’heure, mais il était un peu plus loin ; nous n’avons qu’à aller chercher la glace d’abord. Si ça te convient. » Elle n’avait jamais été le genre de personne à imposer ses choix et ce n’était décidément pas aujourd’hui qu’elle allait commencer.

J’étais plutôt ravi de ma partenaire de jeu, elle avait un truc de sympathique dans son visage et son attitude même si notre différence de taille risquait de nous causer quelques désagréments mais au fond, ce jeu n’était que pour rire, je prenais rarement les choses au sérieux et je n’étais pas mauvais joueur non plus. Mais bon, là on parlait quand même de Disney World, c’est pas rien. J’étais content parce qu’elle n’avait pas l’air d’une grincheuse et même, elle avait l’air au taquet alors let’s go. La plaisanterie venait facilement et elle était plutôt bon public à rigoler de mes conneries, je l’aimais bien et puis au fond, ce jeu n’était-il pas fait pour apprendre à connaître du monde ? Créer des liens avec des inconnus ? Moi j’étais assez naïf pour penser que de vraies amitiés pouvaient naître ainsi et puis je n’étais pas débile, son accent je le reconnaissais : cette fille était british, avec un accent plus distingué que le mien parce que mon propre anglais était voilà par la grossièreté des pubs de Manchester, je crois pas qu’Heaven soit du genre à traîner dans les bas fonds de l’Angleterre brutasse. Mon accent provincial était d’ailleurs si fort qu’il en masquait mes relents de russe et seuls mes « r » roulaient encore sous la langue comme une vibration imperceptible. Bref, mon accent sucks, pas le sien. Heaven me disait quelque chose pourtant et peu à peu je la remettais : la panne d’ascenseur ! Nous n’avions pas réellement parlé parce que j’étais trop occupé à déconner avec Effie mais voilà, le hasard fait bien les choses. « Ouais c’est ça ! Et ouaip ils n’ont pas kiffé d’ailleurs. T’es aussi Anglaise hein ? » Genre ça allait nous sauver. Bon, prenant la liste je commençais à réfléchir sur la meilleure stratégie à adopter, histoire qu’on se mette tous les deux d’accord et par chance, elle ne le vécut pas comme un affront. Elle s’excusait de sa taille et je riais de bon cœur. « J’aurais limite pu te porter ça irait plus vite ! Faut juste qu’on calque nos pas. » Et sur ces paroles, nos voisins s’écrasèrent au sol. « Genre on essaie de pas faire ça. » Puis au rythme indiqué par la blonde, nous avancions nos jambes en prenant soin de trouver une bonne cadence jusqu’à arriver sans drames jusqu’au stand. Honneur aux dames !

« Moi aussi j’avais prévu autre chose pour ma journée, mais on dirait qu’on est bloquées ici, il va bien falloir faire avec. » Aussitôt les mots étaient-ils sortis de la bouche de cette fameuse Paige qu’Irina se retourna vivement vers elle. Bien que son ton ne débordait pas d’assurance, elle avait semblée assez ferme ou en tout cas l’avait sûrement voulu. La russe ne lui répondit pas, peut-être un peu trop étonnée par cette réaction soudaine. Elle se contenta alors de la fixer un court instant afin de déceler ne ce serait-ce qu’une trace de faiblesse, mais rien. Si sa coéquipière s’avérait avoir plus de caractère que ses joues rouges le prétendaient, c’était tant mieux.

Son attention se reporta alors aussitôt sur la chose la plus importante : trouver les objets de la liste et se libérer de ce jeu. Ses souvenirs s’étaient immédiatement dirigés vers le petit garçon qu’elle avait failli étrangler devant sa mère quelques instants plus tôt, et plus particulièrement sur l’immense glace à cinq boules qu’il tenait dans la main. En y repensant, si en la bousculant il lui avait mis un chouilla de crème glacée sur ses vêtements, il ne serait peut-être pas rentré chez lui en bonne santé. Motivée à foncer dans sa direction pour s’emparer de sa sucrerie, elle se retrouva cependant bloquée par Paige. Allons bon. Lorsqu’elle se retourna celle-ci mit un petit moment avant de lui répondre. « J’arrive » Irina lui répondit par un hochement de tête plutôt arrogant signifiant qu’en effet, il était temps qu’elle arrive si elles voulaient avoir une chance de finir ce jeu. Tandis qu’elles avançaient, sa coéquipière prit à nouveau la parole. « Je suis passée devant un étal qui vendait des peluches en forme de tigre tout à l’heure, mais il était un peu plus loin ; nous n’avons qu’à aller chercher la glace d’abord. Si ça te convient. » Les yeux bleus d’Irina se posèrent sur la liste d’objet afin de vérifier qu’une peluche de tigre était demandée, en effet c’était bien le cas. Sans toutefois se retourner vers Paige, elle lui répondit d’un ton pas forcément sympathique mais beaucoup moins froid que la première fois. « D’accord, on règle le problème de la glace et je te suis. »

Il ne leur fallu pas longtemps avant d’arriver au niveau du petit garçon, toujours éloigné de sa mère qui ne semblait pas même faire attention à lui. C’était avantageux d’un certain côté, lui prendre sa glace aurait été plus périlleux avec une mère protectrice à ses côtés. Sans l’avertir de quoi que ce soit, Irina vola la glace des mains du garçon et lui lança un sourire sadique. « Ça t’apprendra à foncer sur les gens mon garçon. » Ni une ni deux, elle se retourna et invita Paige à faire de même pour partir avant qu’il ne se mette à hurler, pleurer ou elle ne savait trop quoi encore. « On peut aller à ton stand, mais je sens que tenir cette glace qui va bien évidemment fondre va vite m’énerver. » fit-elle en levant les yeux au ciel.

Un sourire s’affichait sur mon visage et je me sentais tout simplement bien aujourd’hui, à faire des jeux débiles et rencontrer des nouvelles personnes, anglaises qui plus est. Ces derniers mois je n’avais fait que rester dans mon petit monde au Blackstone Avenue et je me rendais compte que ce n’était pas forcément une bonne chose de toujours rester avec les mêmes personnes, non pas qu’elles étaient inintéressantes mais il fallait diversifier un peu de temps en temps, s’ouvrir au monde. Pour Heaven, c’était instinctif je l’aimais bien sans même la connaître, sans même lui avoir réellement parlé encore, il s’agissait peut-être de notre côté patriotique qui nous rapprochait je ne sais pas, mais elle avait un petit wild side qui ne pouvait que me plaire alors forcément…Connaissait-elle d’autres anglais ? Il y avait peut-être une petite communauté de british dans le coin, ce serait cool de se retrouver tous de temps en temps histoire de pleurer sur God Save The Queen ou des trucs du genre, peut-être même que nous fréquentions les mêmes endroits même si je n’ai été que quelques années dans un collège Londonien. Et que je devais faire le mur pour aller en ville hein. « Hey, tu connais d’autres Anglais ? » lui lançais-je tout naturellement en continuité à mes pensées et rebondissant aussitôt à sa blague sur la conquête je ne pus que rire. « Ouais ben j’ai commencé à coloniser une partie du Bronx, maintenant ils fredonnent des mélodies des Rolling Stones. » racontais-je avec un petit rire une nouvelle fois trop bavard sur ma vie. Genre j’aurais aussi pu lui filer mon RIB et pourquoi pas mon code bancaire hein. Je me reconcentrais néanmoins sur notre mission et réfléchissais à la meilleure méthode et c’est sans casse qu’on arriva sur le stand de la pêche aux canards. Combien de parties fallait-il gagner pour un tigre ? Je veux dire, pêcher les canards ce n’était pas hyper compliqué, donc j’imagine qu’il nous en faudrait un paquet. « Oh merde tu crois qu’on doit aller voir au stand avec les ficelles ? Tu sais là ou on tire sans savoir sur quoi on va tomber ? Tu veux qu’on essaie ? » Puis à sa blague sur le russe, je ne pus que me marrer. « Ouais sauf que même en russe on prononce tigre ! » Son plan machiavélique tombait à l’eau mais l’idée était bonne ! « Au pire, on clopine jusqu’au King Jouet du coin et à nous Disney Land ! D’ailleurs y’a pas un stand de jouets juste là bas ? On peut voir s’il y en a un ? »

topic commun - à deux, c'est mieux;

But right now these moments are not stories. This is happening. ○ Iron dégageait une joie de vivre et une bonne humeur communicative, à un tel point qu’Heaven s’était prise au jeu sans jamais faire marche arrière. Le hasard faisait parfois bien les choses. Ils étaient différents du tout au tout, mais l’anglaise demeurait persuadée qu’ils avaient beaucoup de points communs. Malgré leurs dégaines aux antipodes, malgré leur différence de taille d’environ cinq têtes et demie. Et puis, forcément, Iron était anglais aussi. Cela voulait tout dire.
Le patriotisme coulait dans ses veines. Quand même.
« Hey, tu connais d’autres Anglais ? » lui demanda-t-il aussitôt, la tirant de ses pensées. « Ouais ben j’ai commencé à coloniser une partie du Bronx, maintenant ils fredonnent des mélodies des Rolling Stones. »
Heaven se mit à rire. Au moins, il écoutait de la bonne musique, et ils avaient la même notion de la colonisation. Les britishs étaient les meilleurs de toute façon. Quoi qu’on en dise…
« Ah ouais ? Moi, je les ai plutôt tannés avec les Beatles, ça doit être dans un autre coin du Bronx alors. A nous deux on va réussir à convertir tout ce quartier-là de New York si on continue. » répondit-elle avec beaucoup d’entrain, alors qu’ils continuaient à clopiner vers la pêche aux canards. « Et pour répondre à ta question, je connais d’autres anglais, oui. Mon copain vient de Cambrige entre autre. »
Elle eut un sourire en pensant à Caleb, et revint vite à la réalité quand des adversaires les dépassèrent. Bande de cons. Disney était à eux, ils ne l’avaient pas encore compris ?
Ils finirent par atteindre le stand de la pêche aux canards, mais les peluches tigre étaient aux abonnées absentes. Forcément. Le sort n’était pas en leur faveur. Désavantagée par sa taille de minimoys, Heaven regarda autour d’elle pour trouver une solution à leur problème – énorme problème, d’ailleurs, ils voulaient Disney après tout – mais ne vit absolument rien qui pourrait potentiellement les intéresser. Pleine d’espoir, elle se tourna vers son coéquipier de choc.
« Oh merde tu crois qu’on doit aller voir au stand avec les ficelles ? Tu sais là où on tire sans savoir sur quoi on va tomber ? Tu veux qu’on essaie ? » dit le tatoué, sortant à vitesse grand V des idées de secours. « Ouais sauf que même en russe on prononce tigre ! Au pire, on clopine jusqu’au King Jouet du coin et à nous Disney Land ! D’ailleurs y’a pas un stand de jouets juste là-bas ? On peut voir s’il y en a un ? »
Heaven hocha la tête.
« Okay, on essaye le stand de jouets. On y laissera dix dollars, c’est pas bien grave. » assura-t-elle en pensant à la pension alimentaire que venait de lui verser sa mère. « Au pire s’il n’y en a pas, on ira voir du côté des ficelles. »
Tout un programme. Ils se lancèrent à l’assaut du stand de jouets, plein d’espoir. Le sort allait peut-être être en leur faveur cette fois-ci, mais seul Dieu pouvait le savoir.